Petit Quizz. Si on vous dit 10%, vous pensez à :
1. Une série TV sur les acteurs et leurs agents
2. Le pourcentage d’Européens conçus dans un lit Ikéa
3. La proportion de femmes qui investissent
Et la réponse c’est… les trois. Sauf qu’aujourd’hui, on ne va parler ni séries TV, ni lits Ikéa, mais bien femmes qui investissent. Parce que même si, en moyenne, les femmes sont davantage victimes d’inégalités et plus exposées à la précarité, seulement 1/10 investit pour se constituer un capital… et on a cherché à comprendre pourquoi.
Après le gender pay gap, on vous parle du gender investing gap – ou des quatre raisons pour lesquelles les femmes investissent moins. Et, by the way : comment y remédier ?
Raison #1 : Le career gap (et son produit direct : le gender pay gap)
L’égalité salariale, c’est pas encore ça : en France en 2017, la différence de salaire H/F est de 5,3% à poste égal et horaires égaux, et de 22% au global. Premier facteur de cet écart ? Le temps de travail : 27% des femmes travaillent à temps partiel, soit trois fois plus que les hommes…
Comment ça se fait ? On ne va pas y aller avec le dos de la Spoune : tout vient de la différence de durée entre les congés maternité et paternité. Pendant ces trois mois que la mère passe quasiment seule avec le bébé, elle devient mécaniquement le “parent #1” (ou le parent « on call » selon l’expression de Claudia Goldin, prof d’éco à Harvard) — aka celui qui bosse à temps partiel, qui gagne moins d’argent et que la crèche appelle en cas de gastro...
Ça ne dure que trois mois, vous dites-vous ? On aimerait bien… mais c’est loin d’être le cas. À cause de ces interruptions de carrière quasi certaines, les dés du recrutement sont pipés. Et certaines femmes intériorisent (à tort) le fait qu’elles auront une moins bonne carrière avant même de choisir un métier : 70% des inscrits en sciences humaines sont des femmes, contre 29% en formation d’ingénieur. Quant à celles qui choisissent malgré tout de faire carrière, beaucoup s’auto-censurent : Christine Lagarde explique qu’en 40 ans ans de carrière, elle n’a jamais vu une femme lui demander une augmentation de salaire…
Et qui dit moins de salaire… dit moins de patrimoine
Raison #2 : Le patrimoine, nom masculin
Ici, c’est le serpent qui se mord la bourse. Aujourd’hui, l’un des seuls moyens sûrs et solides de se constituer un capital, c’est l’immobilier. Or, pour s’acheter un bien il faut obtenir un prêt. Pour avoir un prêt, il faut de l’épargne. Et pour avoir de l’épargne, il faut… des revenus suffisants pour se constituer un apport.
Sans apport ? On reste prisonnier du piège locatif, sans possibilité de transformer ces satanées mensualités du loyer en épargne, ni d'avoir accès à l’investissement et à la magie de l’effet de levier. Car oui, sorry Marilyn : le meilleur ami des femmes, ce ne sont pas les diamants, mais bien les briques de l’accès à la propriété. Permettre de devenir propriétaire à celles (et ceux) qui pensent à l’avenir mais qui n’ont pas la marge suffisante pour mettre un apport de côté, c’est justement le but de Virgil — parce qu’en attendant de briser le plafond de verre, on entend bien faire tomber le plafond de pierre. D’ailleurs, 40% de nos acquéreurs sont des femmes qui ont surmonté le préjugé selon lequel il faut attendre d’être en couple pour acheter. Et 40%, c’est quatre fois plus que ces fameux 10% dont on parlait en intro…
Raison #3 : La sous-représentation des femmes dans l’investissement
Au-delà des inégalités salariales, est-ce qu’on traite vraiment de la même manière les hommes et les femmes aujourd’hui ? Spoiler : NON. La preuve avec la géniale campagne SISTA qui a posé à François-Henri Pinault, Fred Mazella ou Xavier Niel les questions que les journalistes posent régulièrement aux femmes successful. Or derrière les stéréotypes, il y a des conséquences très concrètes : le monde de la finance (essentiellement masculin) a toujours autant de mal à faire de la place aux femmes. La preuve :
- En Europe, les femmes ne représentent qu’environ 5% des managers de fonds d’investissements.
- Aux US, seulement 8% des start-ups américaines ayant levé des fonds ont des femmes dans leurs équipes dirigeantes…
Heureusement, les femmes n’attendent pas que les hommes leur fassent une place :
- En France, Roxane Varza donne le ton à Station F avec 40% en 2019 d’incubés dirigés par des femmes, dont la quasi-totalité prospère aujourd’hu
- SISTA vient de lancer SISTAFUND pour financer la prochaine génération d’entrepreneuses
- En moyenne, les fonds venture capital qui ont des femmes partners ont trois fois plus de chances d’investir dans des business créés par des femme
- Avec Serena Ventures, Serena Williams a investi des millions pour faire décoller des projets menés par des femmes, dont la bourse de cryptos Coinbase (valorisée 8 milliards).
Plus il y a de femmes dans les milieux de l’investissement, plus il y a des chances que l’économie leur profite et leur ressemble. Typiquement, la santé féminine n’a jamais été la prio d’une économie dominée par les hommes. Et on découvre seulement l’endométriose, cette maladie qui touche pourtant 10% des femmes.
Ceci dit, les sistas n’investissent pas seulement pour se serrer les coudes. Comme l’a montré le FMI, la présence des femmes dans la finance profite à tout le monde:
- Les banques avec une plus grande part de femmes administratrices avaient des volants de fonds propres plus élevés, une proportion plus faible de créances douteuses et une plus forte résistance aux tensions.
- Il existe une corrélation entre la stabilité bancaire et la présence de femmes au sein des conseils de réglementation bancaire.
Et le FMI est le premier à appliquer ses conseils puisque la bulgare Kristalina Gueorguieva a succédé à Christine Lagarde en 2019.
Alors, who runs the (financial) world ?
Raison #4 : La finance perso, encore un monde de bros
Pas de carrière, pas de revenu, pas d’emprunt, pas de maison. Avec tout ça, investir dans les cryptos n’est clairement pas la priorité. Surtout qu’en face, les plateformes d’invest’ pour boursicoteurs du dimanche se la jouent en mode testostérone — comme quoi il n’y a pas que le barbecue qui soit synonyme de virilité…
À l’opposé, la finance rose existe-t-elle ?
Oui, avec par exemple des initiatives comme FEMCA qui adoptent une goal based approach, c’est-à-dire une finance qui privilégie le sens plutôt que le rendement — et qui, en tant que telle, se markette comme “girl friendly”.
Mais le vrai enjeu, c’est surtout de rendre accessible la compréhension de l’économie. Ce qui est le sens de plusieurs projets plutôt cool, qu’on a compilés dans notre Boîte à Spoune spéciale financial feminism.
Crédits images : Lucas Wakamatsu
Pour aller plus loin : venez découvrir notre série de portraits réalisée par Eldorado et la French Tech Grand Paris, dédiée à celles qui ont décidé de se lancer dans le Venture Capital, au travers d'interview elles partagent leurs expériences et leurs compétences pour accompagner les entrepreneurs et entrepreneuses dans le développement de leur projet.
- HER-VEST#1 Vera Elizabeth B. Baker une entrepreneuse américaine, opératrice, Business Angel et Venture Partner chez Unconventional Ventures, désormais installée en France. Elle a également construit une communauté mondiale de femmes de couleur (et leurs alliés) via For Colored Girls Who Tech, une newsletter mettant en avant l'entrepreneuriat et le capital-risque au sein de l'écosystème Tech.
- HER-VEST #2 qui décrit le parcours inspirant de Céline Lazorthes et ses conseils en tant que business angel, qui endosse la double casquette d’investisseuse/entrepreneuse. Céline est la fondatrice du site de cagnottes en ligne Leetchi.com, et de la solution de paiement MANGOPAY.com. Elle a également fondé le collectif qui œuvre pour l’entrepreneuriat féminin et la réduction des inégalités de financement, SISTA, aux côtés de Tatiana Jama.
- HER-VEST #3 le portrait de Sarah Huet qui est aujourd’hui à la fois co-fondatrice de AFemaleAgency, cabinet de recrutement et de services pour des Top Talents féminins dans la Tech, et co-fondatrice de Leia Capital, le collectif de business angels féminin.