Vous n’avez pas encore lu les premiers chapitres de l’étude ? 👀
Pour retrouver le premier chapitre qui porte sur l’actionnariat des licornes françaises en partenariat avec Mighty Nine ? C’est ici ! 👈
Et le chapitre 2 sur les fondateurs c’est ici ! 👈
CHAPITRE 3 : Quelles retombées pour l’économie réelle ?
Les secteurs des licornes françaises, absence remarquée des technologies de rupture ? 🏆
A RETENIR 🧐
- Le secteur dominant au sein du troupeau est la FinTech, avec 7 licornes à son actif (Lydia, Spendesk, Ivalua, Kyriba, Payfit, Swile et Qonto), 9 si on compte les AssurTech Alan et Shift Technology.
- En deuxième position on retrouve le secteur du Marketplace avec Ankorstore, Vestiaire Collective, ManoMano, Back Market et Veepee.
- Enfin en troisième position c’est le secteur des solutions E-commerce avec Mirakl, Algolia, Contentsquare et Criteo.
- Et il est important de noter qu’en 2022, la France enregistre sa première licorne industrielle avec l’arrivée du spécialiste de la robotique sur mesure, Exotec ! 🤖
- Pas de surprise, le business model le plus représenté est celui de l’abonnement SaaS, toujours grand favori des investisseurs !
- Enfin, un petite majorité des licornes (57 %) est positionnée en B2B, laissant tout de même une belle place au B2C avec des startups telles que Vestiaire Collective, Back Market, Lydia ou Blablacar, qui viennent impacter la vie des français dans leur quotidien.
Hors podium on retrouve quelques MedTech (Doctolib, Owkin, Dental Monitoring), de l’ Entertainment, des Télécommunications, du Big Data, de la Blockchain, de la Mobilité.. Mais l’absence des technologies de pointe est criante. Le développement de ce genre de technologies est pourtant un enjeu plus que stratégique pour la souveraineté du pays. En 2020 déjà, le Rapport d’expert “Faire de la France une économie de rupture technologique”, alertait sur le retard de l’hexagone en matière d’intensité technologique et de développement des secteurs de pointe comme les biotechnologies, la santé connectée ou la réalité virtuelle. Les startups de la DeepTech peinent à se développer notamment parce qu'elles rencontrent des difficultés pour trouver des financements (trop risqués, trop long terme, trop de freins administratifs etc.). Pour tenter d’y remédier et dans le cadre du nouveau programme France 2030, le gouvernement a annoncé en ce début d’année un plan « Start-ups industrielles et DeepTech », doté d’une enveloppe de 2,3 milliards d’euros afin de favoriser l’industrialisation des startups innovantes.
L’emploi dans les licornes françaises, peut mieux faire ? 💼
- Selon nos estimations, le troupeau de licornes comptabiliserait environ 30 000 salariés (en France mais également aux Etats-Unis et dans d’autres pays européens).
- Avec un effectif moyen d’environ 900 salariés par licorne.
- La plus petite équipe étant celle de la jeune Sorare avec une centaine d'employés, et les plus importantes étant les licornes fondées à la fin des années 90/début des années 2000 qui ont eu le temps de faire croître leurs effectifs comme Veepee, Criteo, OVH dont les équipes varient entre +2 000 et +5 000 collaborateurs.
- On note également la croissance fulgurante de Doctolib, première valorisation de la FrenchTech, qui se dote déjà de plus de 2 300 collaborateurs seulement 9 ans après sa création et prévoit de recruter encore 3 500 salariés en France et en Europe suite à sa nouvelle levée de fonds de 500 m€.
Une croissance à relativiser : Dans un entretien accordé à Ouest France, l’économiste Nicolas Bouzou relativise le succès des licornes françaises en rappelant que nos scale-up nationales ont encore du chemin à faire, que ce soit à travers leurs valorisations ou à travers leurs effectifs, pour atteindre la taille de certaines licornes étrangères. L’Allemagne par exemple, compte déjà une décacorne (Celonis). Le Royaume-Uni quant à lui dénombre une quarantaine de licornes à son actif, dont certaines approchent les 50 M$ de valorisation. Enfin, l’Europe du Nord n’est pas en reste non plus puisque c’est la Suède qui détient le premier “Titan” européen, Klarna, qui emploie entre 5 000 et 6 000 personnes.
Une pénurie de talents: Pour continuer de croître et devenir des championnes européennes voire mondiales, les licornes ont besoin d’embaucher. Pourtant, le recrutement est devenu un véritable challenge pour ces scale-up, cherchant notamment des ingénieurs, des commerciaux et des développeurs. Il semblerait que la startup nation doive faire face à une pénurie de talents. La concurrence pour attirer les meilleurs employés est non seulement européenne, voire globale (essor du télétravail et mondialisation), mais les startups doivent également convaincre face aux grands groupes à la recherche des mêmes profils.
La fin de l’hyper-centralisation parisienne ?
Enfin, l'hyper-centralisation française n’épargne pas les licornes. Sur les 33 startups de notre étude, 24 d’entre elles ont leur siège à Paris ou en Ile-de-France, 6 ont déménagé aux Etats-Unis, on en compte 2 dans la région des Hauts de France (Exotec et OVH) et enfin Swile est installée à Montpellier. Les licornes françaises favorisent donc plutôt l’emploi en région parisienne, là où l’activité économique est déjà très dynamique.
Bien que la crise du Covid et les nouvelles habitudes de télé-travail qu’elle a engendrées viennent favoriser l’emploi sur l’ensemble du territoire, et la pénurie de talents pousse les startups à embaucher bien au-delà de leur zone d’implantation. Hyper-centralisation parisienne qui pourrait donc s'estomper dans les années à venir.
La croissance externe des licornes françaises, une nouvelle tendance 🌱
A RETENIR 🧐
- Sur 33 licornes, 18 ont déjà eu recours à au moins une opération de croissance externe : acquisition ou prise de participation partielle.
- 16 ont déjà réalisé au moins une acquisition, on compte 58 rachats au total (au Q1 2022).
- Le nombre d'acquisitions varie entre 1 et 12 par licorne (bravo à Blablacar 👏).
- La croissance externe nécessite une certaine maturité. Assez logiquement, le nombre d’opérations va donc souvent de paire avec l’âge de la startup. Parmi les 16 startups ayant réalisé des acquisitions, les plus actives sont des licornes ayant déjà réalisé une IPO (à l'exception de Blablacar).
- Sur les 58 startups rachetées, une grande majorité sont françaises (20), 17 sont américaines (et les rachats de startups américaines ne sont pas nécessairement réalisées par les licornes françaises expatriées Outre-Atlantique. Criteo a racheté 3 startups américaines, tout comme Deezer), et loin derrière on retrouve Israël (4 acquisitions par Voodoo, Criteo et ContentSquare) et l’Allemagne (3 acquisitions par Talend, Blablacar et Believe).
À l’instar des grands groupes, les startups mettent en place des stratégies de croissance externe afin de répondre à leurs besoins de développement et d’innovation. Que ce soit dans le but d’acquérir des compétences manquantes par une opération dite d’ ”acq-hiring” (contraction de acquisition et embauche), de racheter un concurrent, souvent étranger et ainsi pénétrer un nouveau marché ou encore d’enrichir leurs offres, les licornes françaises commencent elles aussi à développer des organisations tentaculaires. Cette nouvelle tendance est d’ailleurs rendue possible grâce à l’abondance de capitaux et des méga-levées réalisées ces dernières années par ces champions français.
Ce phénomène est assez peu documenté en France, c’est pourtant un excellent indicateur de la force de l’écosystème. Aux Etats-Unis, la croissance externe par rachat est une chose familière, l’exemple le plus flagrant étant celui des GAFAM (Entre 2010 et 2020, les GAFAM auraient réalisé plus de 400 opérations de croissance externe - Source : OCDE), hier start-ups, aujourd’hui empires, notamment grâce à ce mode de croissance, rapide et parfois onéreux.
L’avenir ? Il sera européen 🇪🇺
Créatures mythiques de notre écosystème, les licornes font parler, font rêver, fascinent, font parfois grincer des dents, mais une chose est sûre, leur sur-médiatisation nous pousse à la réflexion. Comme on a pu le voir à travers cette étude, l’analyse en profondeur de ces startups soulève une pluralité de questions qui concernent l’écosystème dans son ensemble : la souveraineté nationale de notre pays dépendra de nos capacités à le financer, la France a encore beaucoup de chemin à faire pour développer de réelles technologies de rupture, et la startup nation, vue parfois comme un tremplin méritocratique tend finalement à reproduire les écueils d’autres domaines, et souffre d’un entre soi réel (manque de mixité et de diversité).
Quel avenir pour ces entreprises, et pour le pays ?
Pour la cohorte, devenir licorne ne doit pas être pas une fin en soi. Si aujourd’hui ces startups ont su décrocher la valorisation à 10 chiffres, il reste bien du chemin à parcourir. Après la France, il faut désormais aller décrocher le marché européen, puis mondial.
Cette mise en avant des licornes nous ramène aussi à l'inévitable interrogation, rentabilité ou croissance ? Ces modèles basés sur la croissance et la levée de fonds sont-ils viables sur le long terme ? Les années à venir nous répondront probablement.
Enfin, pour que la France soit en mesure de garder ses champions du numérique, et bénéficier des retombées d’un point de vue macroéconomique et de souveraineté, elle doit absolument solutionner son problème de financement du late stage. Et pour cela, une initiative européenne semble être une solution.