Étape significative dans le cadre d’une levée de fonds, la réception d’un “term sheet” (ou d’une LOI, “letter of intent”) catalyse bien des appréhensions. Elle inscrit en effet noir sur blanc l’intérêt de l’investisseur pour votre projet et dévoile ses conditions notamment sur les sujets de financement, de pools d’options et de gouvernance. Une lecture entre les lignes peut ainsi vous donner une idée de la dynamique future de votre relation.
Le term sheet reste un document juridique non contraignant. Toutefois, que vous soyez primo ou serial entrepreneur(e), vous devez en comprendre les tenants et aboutissants pour continuer sereinement les discussions avec votre potentiel investisseur. Elle établit aussi indirectement un précédent et une base de négociation pour vos futurs investisseurs, qui voudront bénéficier a minima des mêmes termes.
Dans une série de quatre articles, nous revenons avec Judith Benoudiz de Kanopée Avocats sur les subtilités des clauses incontournables du term sheet. Deuxième volet : les transferts de titres.
Le droit de préemption ou “pre-emptive rights”
Extrait
Sauf cas de Cession Libre, chacun des Associés bénéficie d’un droit de préemption à l’égard de tout projet de Cession de Titres (ci-après le « Droit de Préemption »).
Le Droit de Préemption ne sera valablement exercé que si le nombre de Titres préemptés ensemble par les Bénéficiaires est supérieur ou égal au nombre de Titres faisant l’objet du projet de Cession.
En vertu du Droit de Préemption, chaque Bénéficiaire pourra acquérir, en lieu et place du Cessionnaire, dans les conditions et proportions définies au présent Article, la totalité des Titres dont le projet de Cession lui a été notifié par le Cédant au travers de la Notification de Cession.
Dans le cas où le Droit de Préemption serait valablement exercé par un ou plusieurs Bénéficiaires (ci-après désignés les « Préempteurs »), les Préempteurs seront tenus d’acquérir la totalité des Titres faisant l’objet du projet de Cession visé dans la Notification de Cession (l’ensemble de ces Titres étant ci-après désignés les « Titres à Préempter »).
La Cession des Titres intervenant en exercice du Droit de Préemption se fera aux mêmes conditions de prix (ou de valorisation en cas d’échange de titres) que celles indiquées dans la Notification de Cession.
Principe et enjeux
Le droit de préemption offre la possibilité aux associés actuels d’être consultés en priorité lors d’une cession de titres. Il permet à une personne de se porter acquéreur en lieu et place de l’acheteur pressenti au prix proposé par l’acheteur pressenti.
Fondamentalement, cela permet de contrôler la sortie du capital et donc l’entrée de nouveaux associés : en effet, si le droit est effectivement exercé, alors aucune action n’est mise à la vente en dehors de l’actionnariat historique.
Elle reste par ailleurs un droit, et non une obligation : le délai pour se prononcer est en général de trois mois.
La clause de non-dilution ou de maintien des droits
Extrait
Chaque Associé, dans le cadre de toute augmentation de capital immédiate ou à terme (à l’exception de celles résultant de l’émission d’actions gratuites, d’options de souscription ou d’achat d’actions, de valeurs mobilières émises sous forme de bons de souscription autonomes d’actions ou de BSPCE prévues dans les conditions légales et statutaires, au profit des dirigeants, membres du Comité Stratégique, consultants et salariés de la Société) ou de toute autre opération assimilable (l’« Opération »), d’un droit de maintenir sa participation dans le capital de la Société à la quote-part de ce capital que représentent les Actions de la Société qu’il détient immédiatement avant la réalisation de ladite Opération.
En conséquence, chacune des Parties s’engage à tout mettre en œuvre en cas d’Opération, afin que chaque Associé soit mis en mesure de souscrire à l’augmentation de capital en cause ou à une augmentation de capital complémentaire qui lui serait réservée et ce à des conditions – notamment de prix d’émission des Titres – identiques à celles auxquelles les Titres nouveaux seront émis, de manière à lui permettre de conserver sa quote-part du capital.
Principe et enjeux
Cette clause n’est pas systématiquement insérée dans un term sheet, mais elle est néanmoins régulièrement rencontrée. Elle permet de protéger les intérêts des investisseurs minoritaires, ne détenant pas de minorité de blocage, en leur permettant de maintenir leur niveau de participation au capital :
- soit en prévoyant un maintien de leur participation en capital et/ou de leurs droits de vote
- soit en leur permettant de souscrire en priorité à toute augmentation de capital.
Ce droit incite les investisseurs historiques minoritaires, comme des BAs ou family offices, à réinvestir lors d’un nouveau tour de table ultérieur. Bien évidemment ils ne peuvent empêcher l’augmentation de capital s’ils n’ont pas la trésorerie suffisante.
La clause d’inaliénabilité ou “lock up”
Extrait
A l’exception des Cessions Libres et sauf accord écrit de chacun des Associés, chacun des Fondateurs s’interdit de Céder tout ou partie de ses Titres, jusqu’à l’expiration d’un délai de vingt-quatre (24) mois à compter de la date de signature du Pacte.
Principe et enjeux
La clause d’inaliénabilité empêche les associés de revendre leurs actions avant une période donnée. L’objectif est de stabiliser l’actionnariat et de maintenir en place l’équipe de fondateurs sur laquelle les Investisseurs ont accepté de miser.
La durée de la clause de lock-up doit être limitée dans le temps. Classiquement elle est prévue pour une durée allant de 2 à 4 ans.
Elle peut prévoir une exception dite “clause de respiration” pour permettre aux fondateurs de céder une faible partie de leur titres. Elle s’insère notamment dans le cas où ils auraient besoin de liquidités, notamment si la rémunération des fondateurs est faible ou qu’ils sont encore jeunes et pourraient avoir des besoins importants à moyen terme (achat d’un appartement ou naissance).
La sortie conjointe, “tag along” et “drag along”
L’un est un droit (“co-sale” ou “tag along”), l’autre une obligation (“drag along”). On trouve généralement les deux dans un term sheet car l’une désavantage certains associés, l’autre les avantage. Elles se veulent ainsi véritablement complémentaires.
Le droit de sortie conjointe ou “tag along”
A l’exception des Cessions Libres, dans l’hypothèse d’une Cession à un ou plusieurs Tiers, chacun des Associés accorde un Droit de Sortie Conjointe Proportionnelle aux autres Associés.
Dans une telle hypothèse, le ou les Cédants s’interdisent de réaliser la Cession envisagée sans que les Bénéficiaires ayant exercé leur Droit de Sortie Conjointe puisse céder la même proportion de leur participation concomitamment et selon les mêmes conditions et modalités que celles visées dans la Notification de Cession.
A titre d’exemple, si le(s) Cédant(s) concerné(s) détenant 2.000 Actions notifiait aux autres Associés son(leur) intention de Céder 1.000 Actions à un Tiers et si seul un Bénéficiaire détenant alors 500 Actions souhaitait exercer son Droit de Sortie Conjointe Proportionnelle, celui-ci aura la possibilité de Céder au Cessionnaire, en lieu et place du(des) Cédant(s) concerné(s), une fraction des 1.000 Actions Cédées égale à 500/ (2.000 + 500) = 0,2, soit un maximum de 200 Actions.
Le droit de sortie conjointe permet aux associés minoritaires de bénéficier de la même liquidité que les associés majoritaires en cas de vente ou de changement de contrôle de la société.
Le postulat derrière est que les associés majoritaires sont en meilleure position pour trouver de potentiels acheteurs et négocier les termes d’une cession. L’associé minoritaire a alors tout intérêt à se greffer à l’opération pour bénéficier des mêmes conditions. Dans la pratique, ce mécanisme requiert de l’associé majoritaire qu’il inclut les titres de l’associé minoritaire dès la phase de négociation.
Le tag along peut être proportionnel ou total : les associés suiveurs peuvent vendre une partie seulement (généralement le même nombre d’actions que le meneur) ou la totalité (même si le meneur n’y est lui-même pas tenu).
L’obligation de sortie conjointe ou “drag along”
Dans l’hypothèse où des Associés représentant au moins xx pour cent (xx%) du capital de la Société non pleinement dilué (désignés les « Initiateurs de l'Obligation de Sortie Conjointe ») accepteraient ensemble une offre d’un Tiers ou de plusieurs Tiers agissant de concert au sens de l’article L. 233-10 du Code de commerce, portant sur au moins quatre-vingt-quinze (95%) du capital et des droits de vote de la Société (l’« Offre »), chacun des autres Associés (collectivement désignés les « Associés Non Initiateurs »), s’engage irrévocablement, à Céder au(x) Cessionnaire(s) concerné(s) l’intégralité de ses Titres aux mêmes conditions de prix (ou de valorisation en cas d’échange de titres) que celles définies dans l’Offre et concomitamment à la Cession de leurs Titres par les Initiateurs de l'Obligation de Sortie Conjointe ayant accepté l’Offre.
L’obligation de sortie conjointe engage les associés minoritaires à céder leurs actions aux mêmes conditions que les associés majoritaires si ces derniers acceptent une offre de rachat pour la totalité du capital. Elle s’assimile donc à une clause de cession forcée d’actions.
Le cas de figure se présente par exemple en cas de vente qui ne serait pas acceptée par tous les associés minoritaires : un seuil de majorité est déterminé au-delà duquel tout le monde doit suivre, afin d’empêcher tout blocage lié à l’utilisation du véto individuel (voir article 1 de la série sur la gouvernance). De la même manière que le tag along, les associés minoritaires bénéficient des conditions proposées aux majoritaires.
Étant particulièrement décisive, cette clause doit être correctement et précisément rédigée. Le droit de déclencher la clause peut par exemple être accordé seulement à un nombre restreint d’associés, ou bien une clause de préemption peut y être accolée.
Pour aller plus loin :
- Comprendre son term sheet : la gouvernance (1/4)
- Comprendre son term sheet : les engagements des fondateurs (3/4)
- Comprendre son term sheet : la liquidité (4/4)
Un grand merci à Judith Benoudiz de Kanopée Avocats pour son apport à cette série d’articles. Avocats d'entreprises innovantes, Kanopée Avocats accompagne au quotidien les entrepreneurs dans l'évolution de leur société et la protection de leurs innovations.
Le cabinet conseille les startups dans leurs opérations de levées de fonds (BSA Air, Seed, Série A, Série B), de croissance externe, de management package ou de propriété intellectuelle.