Étape significative dans le cadre d’une levée de fonds, la réception d’un “term sheet” (ou d’une LOI, “letter of intent”) catalyse bien des appréhensions. Il inscrit en effet noir sur blanc l’intérêt de l’investisseur pour votre projet et dévoile ses conditions notamment sur les sujets de financement, de pools d’options et de gouvernance. Une lecture entre les lignes peut ainsi vous donner une idée de la dynamique future de votre relation.
Le term sheet reste un document juridique non contraignant. Toutefois, que vous soyez primo ou serial entrepreneur(e), vous devez en comprendre les tenants et aboutissants pour continuer sereinement les discussions avec votre potentiel investisseur. Elle établit aussi indirectement un précédent et une base de négociation pour vos futurs investisseurs, qui voudront bénéficier a minima des mêmes termes.
Dans une série de quatre articles, nous revenons avec Judith Benoudiz de Kanopée Avocats sur les subtilités des clauses incontournables du term sheet. Quatrième volet : la liquidité.
La clause de liquidité
Principe et enjeux
Cette clause oblige les associés à faire leurs meilleurs efforts pour organiser la cession des actions des investisseurs avant une certaine date limite, généralement dans les 5 à 7 ans lors d’un investissement en amorçage. Cette cession peut prendre la forme d’un rachat de la société par un montage LBO ou bien d’une introduction en bourse. A noter que certains investisseurs peuvent liquider leurs actions avant ces événements déclencheurs, en les revendant à d’autres investisseurs lors de tours de table successifs.
Cette clause est donc une assurance de liquidité pour les investisseurs, qui peuvent théoriquement forcer les dirigeants et l’assemblée des associés à entreprendre des démarches en ce sens. Dans la pratique, forcer la main d’associés actifs paraît contre-productif et dangereux.
Par ailleurs, les fondateurs peuvent négocier de pouvoir faire une offre de rachat aux investisseurs avant d’avoir engagé un processus public de sortie (c’est le “droit de première offre”) et éventuellement d’empêcher ces derniers d’accepter une offre ultérieure d’un tiers pour un prix inférieur à celui proposé par les fondateurs (un “prix plancher”). Dans ce cas de figure, les fondateurs devront rassembler le financement nécessaire pour racheter la totalité de ces parts.
La clause de rendez-vous
Principe et enjeux
La clause de rendez-vous engage les associés, fondateurs comme investisseurs, à se réunir de bonne foi avant une date limite afin de s’entendre sur les meilleures conditions de cession de la société à un tiers. Elle permet également aux associés de négocier l’éventuel renouvellement du pacte : c’est alors l’occasion de renégocier certaines clauses du pacte si les circonstances ont changé.
La clause de liquidité préférentielle
Principe et enjeux
Quasi systématique à compter d’une Série A, cette clause cristallise beaucoup d'appréhensions côté fondateurs. Issue du droit américain, la “liquidation preference” permet à l’investisseur bénéficiaire de recevoir en priorité sur tout autre associé tout premier versement monétaire opéré par la startup lors de sa cession ou de sa liquidation. Et ce sur le modèle du “last money in, first money out”.
Derrière cela, une balance des intérêts doit être trouvée entre les investisseurs, qui souhaitent a minima récupérer leur mise et au mieux faire un important profit (équilibrer les pertes sur leur portefeuille global), et les fondateurs, qui doivent rester motivés financièrement jusqu’au bout.
La complexité se présente lorsque la clause est couplée à certaines familles d’actions :
- Pour les actions “non-participating prefered”, les investisseurs récupèrent au mieux leur investissement initial (nominal et prime d’émission), mais pas plus.
- Pour les actions “participating prefered”, les investisseurs récupèrent au mieux leur investissement initial, ainsi que la valeur restante au prorata du nombre d’actions qu’ils détiennent.
Pour s’assurer que les fondateurs restent motivés jusqu’au bout, le mécanisme du “carve-out” permet à tout associé de récupérer un certain pourcentage de la transaction au prorata de ses actions, entre 10 et 20% généralement. Ce n’est qu’après que les investisseurs bénéficiant de la clause peuvent se répartir le montant de la transaction, dans la limite de leur investissement initial.
S’il reste de l’argent, les associés possédant des actions ordinaires récupèrent leur mise. Puis en cas d’actions “participating prefered”, l’argent est distribué à tous les associés au prorata de leurs participations, sans distinction de catégorie.
Par exemple, en cas d’application d’une clause de liquidité préférentielle non-participating avec carve-out bénéficiant à l’investisseur A :
- Tous les associés perçoivent 20% du prix de cession, au prorata de leurs participations (en application du carve-out), puis
- L’investisseur A récupère sa mise, puis
- Les autres associés récupèrent le solde au prorata de leur capital.
Pour y voir plus clair et analyser les différents scénarios (en cas de vente en-dessous du prix d’entrée des investisseurs, vente au-dessus ou très au-dessus), n’hésitez pas à modéliser l’application de cette clause sur Excel. Cette modélisation devient nécessaire pour comparer différentes term sheets.
Pour aller plus loin, retrouvez les trois premiers volets de cette série : les clauses de gouvernance, de transferts de titres et d'engagements des fondateurs.
Pour aller plus loin :
- Comprendre son term sheet : la gouvernance (1/4)
- Comprendre son term sheet : les transferts de titres (2/4)
- Comprendre son term sheet : les engagements des fondateurs (3/4)
Un grand merci à Judith Benoudiz de Kanopée Avocats pour son apport à cette série d’articles. Avocats d'entreprises innovantes, Kanopée Avocats accompagne au quotidien les entrepreneurs dans l'évolution de leur société et la protection de leurs innovations. Le cabinet conseille les startups dans leurs opérations de levées de fonds (BSA Air, Seed, Série A, Série B), de croissance externe, de management package ou de propriété intellectuelle.