Comprendre son term sheet : les engagements des fondateurs (3/4)

Pour le troisième article de cette série juridique sur le term sheet, nous revenons sur les clauses relatives aux engagements des fondateurs.


Ecosytème startup
Publié le 23/11/2020

Étape significative dans le cadre d’une levée de fonds, la réception d’un “term sheet” (ou d’une LOI, “letter of intent”) catalyse bien des appréhensions. Il inscrit en effet noir sur blanc l’intérêt de l’investisseur pour votre projet et dévoile ses conditions notamment sur les sujets de financement, de pools d’options et de gouvernance. Une lecture entre les lignes peut ainsi vous donner une idée de la dynamique future de votre relation.

Le term sheet reste un document juridique non contraignant. Toutefois, que vous soyez primo ou serial entrepreneur(e), vous devez en comprendre les tenants et aboutissants pour continuer sereinement les discussions avec votre potentiel investisseur. Elle établit aussi indirectement un précédent et une base de négociation pour vos futurs investisseurs, qui voudront bénéficier a minima des mêmes termes.

Dans une série de quatre articles, nous revenons avec Judith Benoudiz de Kanopée Avocats sur les subtilités des clauses incontournables du term sheet. Troisième volet : les engagements des fondateurs.

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La clause du leaver

Extrait

En cas de survenance d’un Fait Générateur (à définir), le Fondateur concerné (le « Promettant ») s’engage de manière irrévocable à (i) renoncer définitivement à l’ensemble des Titres qu’il resterait à détenir à cette date et (ii) à céder le nombre d’Actions défini à l’article ci-dessous selon les conditions stipulées au présent article  aux autres Associés (ou à la Société, en vue de l’annulation desdites Actions ou Titres qui seraient cessibles, auquel cas la Société serait Bénéficiaire de la Promesse de Vente, si les autres Associés et le Fondateur restant en conviennent), selon la clé de répartition définie pour le Droit de Préemption.

Cette promesse unilatérale de vente, consentie de manière irrévocable, sera ci-après désignée la « Promesse de Vente ».

Principe et enjeux

D’inspiration anglo-saxonne, la clause du leaver (de l’anglais “to leave”) régit la gouvernance de l’entreprise sur la base de l’implication effective des personnes clés de l’entreprise disposant d’actions (mandataire social ou salarié). Elle emporte la cession des droits sociaux en cas de survenance d’un événement affectant l’individu en question.

Concrètement, la clause du leaver est une promesse de vente sur les titres de la société notamment en cas de cessation des fonctions. Elle peut concerner tout ou partie des titres possédés et s’applique à tout type d’individu y ayant consenti. Les raisons du départ déterminent les termes de la vente :

  • Si le départ intervient en respect du contrat (“good leaver”) : l’individu est resté pendant la durée minimale prédéfinie, s’est impliqué dans le projet et souhaite partir pour une raison valable (problèmes de santé, incapacité, désaccords sur l’orientation stratégique). Dans ce cas, il pourra être récompensé en vertu de la clause du “good leaver” et pourra revendre ses titres à un prix avantageux.
  • Si le départ est précoce et/ou fautif (“bad leaver) : l’individu n’est pas resté pendant la durée minimale prédéfinie et/ou quitte le projet abruptement (démission, révocation, licenciement pour faute lourde ou grave). Dans ce cas, il pourra être sanctionné en vertu de la clause du “bad leaver” et il devra revendre ses titres à un prix décoté par rapport à leur valeur réelle (sur la base d’une formule ou du recours à un expert), voire à leur valeur d’acquisition, sans possibilité aucune de s’y opposer.

On retrouve habituellement les deux clauses : l’introduction de la clause du bad leaver appelle celle du good leaver pour équilibrer le rapport de force.

La clause du bad leaver souffre d’une mauvaise presse, car elle peut donner l’impression de n’avantager que les investisseurs et de porter atteinte aux droits fondamentaux de propriété et droit d’être associé. En réalité, elle présente également un intérêt tant pour les contributeurs clés que pour la société. Seul l’individu sur le départ est possiblement sanctionné, mais c’est bien le but : éviter les départs anticipés et maintenir les personnes incontournables pendant un certain temps.

  1. L’intérêt pour l’investisseur : c’est un moyen pour lui de pérenniser l’équipe fondatrice et dirigeante de l’entreprise. C’est compréhensible lorsque l’on sait que plus la startup est jeune, plus l’investissement se fait sur la base de l’équipe : leurs compétences, leur complémentarité, le “fit". En intégrant une clause de bad leaver, l’investisseur se prémunit contre tout délitement de l’équipe porteuse, raison première de son investissement.
  2. L’intérêt pour les contributeurs clés : c’est un moyen de se responsabiliser les uns les autres et de pouvoir facilement actualiser la gouvernance et la table de capitalisation pour correspondre à l’implication de chacun. Se séparer d’un élément fondateur ou clé n’est pas chose aisée, aussi cette clause a le mérite de déterminer clairement le processus à suivre.
  3. L’intérêt pour la société : c’est un moyen de maintenir une stabilité de gouvernance et d’implication vertueuse.

La clause d’exclusivité et de non-concurrence

Extrait d’un engagement d’exclusivité

Chacun des Fondateurs s’engage, tant qu’il exercera directement ou indirectement des fonctions salariales ou de mandataire social au sein de la Société, à consacrer l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions de mandataire social et/ou de salarié au sein du groupe formé par la Société et, le cas échéant, ses filiales (ci-après le « Groupe ») et à ne mener aucune autre activité professionnelle [sans le consentement préalable écrit du Comité/ de la majorité des associés], sans préjudice toutefois de la prise de participations minoritaires, ou de l’exercice de mandats sociaux non exécutifs, dans toute société non concurrente de la Société, ou de la détention de titres de sociétés non cotées ayant une activité réduite à la gestion de son patrimoine, telles que des sociétés civiles immobilières ou de portefeuille. [...] 

Extrait d’un engagement de non-concurrence et non-sollicitation

Chacun des Fondateurs s’engage vis-à-vis de la Société, pendant la durée de ses fonctions exercées directement ou indirectement au sein de la Société et jusqu’à l’expiration d’une période de [x] mois suivant la date à laquelle il cesserait d’exercer directement ou indirectement toutes fonctions au sein du Groupe (la « Date de Départ »), à ne pas entreprendre ou mener, directement ou indirectement, une activité concurrente à celle de l’Activité (telle que définie) ou de toute autre activité conduite par le Groupe à la Date de Départ.

En contrepartie de cette obligation, la Société s’engage à verser aux Fondateurs concernés, à compter de la Date de Départ et pendant une période de [x] mois, une indemnité compensatrice de non-concurrence dont le montant mensuel brut sera égal à [x] % d'une rémunération mensuelle brute de référence correspondant à la moyenne mensuelle de la rémunération fixe brute perçue par le Fondateur concerné pour ses fonctions au sein de la Société au cours des douze (12) derniers mois précédant sa Date de Départ. [...]

Chacun des Fondateurs s’engage par ailleurs à ne pas solliciter ou démarcher, directement ou indirectement, les salariés, dirigeants, clients ou fournisseurs de la Société aux fins de les inciter à quitter la Société ou à s’en détourner jusqu’à l’expiration d’une période de [x] mois suivant la date à laquelle il cesserait d’exercer directement ou indirectement toutes fonctions au sein du Groupe.

Principe et enjeux

Le pacte d’associés contient très souvent des engagements devant être pris par les fondateurs pour rassurer les associés et investisseurs de leur implication.

A ce titre, le fondateur s’engage à se consacrer exclusivement au développement de la société. Dans le cas où il n’est pas rémunéré, il convient de discuter ouvertement de la possibilité de réaliser des missions de conseil (à but alimentaire). Afin de contrôler la validité d’une telle clause, les juges opèrent essentiellement un contrôle de proportionnalité entre la limitation des libertés de l’associé et la protection des intérêts nécessaires de l’entreprise. Elle doit également fixer son étendue dans le temps et dans l’espace.

La question de la rémunération ou non de la clause de non-concurrence est sujet à de nombreuses discussions. Certaines clauses concernant un dirigeant salarié, prévue dans un pacte d’actionnaires, ont été annulées en raison de l’absence de contrepartie financière, bien que cette obligation n’existait pas au contrat de travail (et était donc conclue en sa qualité de dirigeant et non salarié). Pour être prudent, il convient donc de prévoir une rémunération de cette obligation. En pratique, cette rémunération correspond à un montant entre 20% et 35% des dernières rémunérations mensuelles, payable pendant toute la durée de l’obligation de non-concurrence.

Le fondateur s’engage également, s’il se désolidarise du projet, à ne pas monter un nouveau projet (concurrent ou non) avec les autres fondateurs ou clients. L’objectif est d’éviter une désorganisation profonde de l’entreprise. La violation de ces clauses entraîne généralement la mise en œuvre du bad leaver (voir plus haut).

Le term sheet peut également contenir une clause d'exclusivité envers les investisseurs. Dans ce cas, elle engage les dirigeants à ne pas entamer de discussion avec d’autres investisseurs pendant une période donnée, habituellement entre 40 à 65 jours. Cela laisse le temps à l’émetteur du term sheet de compléter sa due diligence et de se prononcer sur son investissement. Elle ne sera pas reprise dans le pacte d’associés.

Assurément très stratégique, cette clause est une des plus contraignantes du document. Si vous l’acceptez, c’est que vous souhaitez réellement avancer avec cet investisseur en particulier. Faites donc votre propre due diligence sur l’investisseur pour vous assurer de son sérieux. Vous avez par ailleurs plusieurs possibilités pour atténuer le risque inhérent de cette clause, comme par exemple y préciser que si les négociations et/ou la due diligence s’arrêtent pendant un temps donné, alors la période de validité de la clause s’arrête.

Pour aller plus loin :


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Un grand merci à Judith Benoudiz de Kanopée Avocats pour son apport à cette série d’articles. Avocats d'entreprises innovantes, Kanopée Avocats accompagne au quotidien les entrepreneurs dans l'évolution de leur société et la protection de leurs innovations.

Le cabinet conseille les startups dans leurs opérations de levées de fonds (BSA Air, Seed, Série A, Série B), de croissance externe, de management package ou de propriété intellectuelle.

Avec la contribution de
anna@eldorado.co's picture
Anna Richard
VC Analyst @ Eldorado


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