Ce mois-ci, les startups françaises ont levé 151M€ (vs. 235M€ en 2017), soit une baisse de 56%. Cette évolution s’explique par notamment par une baisse du nombre de levées (52 vs. 62) et des “grosses” levées de taille inférieure à l’an dernier
Chez Eldorado, nous avons pour ambition d’analyser en détails les tendances derrière ces levées et de livrer une analyse plus poussée que le simple recensement des levées de fonds.
Petit rappel important : Il est évident qu’une levée de fonds n’est pas un gage de succès pour un projet. C’est le commencement d’une nouvelle histoire pour la Startup qui avec la confiance de nouveaux investisseurs, va pouvoir accélérer significativement le développement de son produit ou de son projet, et l’acquisition d’utilisateurs ou de clients. Nous rappelons aussi qu’une fois que les VCs intègrent le capital, la Startup n’a que pour seul objectif à terme : être rachetée à un prix élevé, ou entrer en bourse.
Un retour du printemps timide
Malgré une baisse vis-à-vis de l’année dernière, il faut pondérer cette diminution du montant des levées. Mars 2017 comprenait en réalité 2 levées importantes : 65M€ pour oodrive et 33M€ pour Guest to Guest, très largement supérieures à la levée la plus importante de mars 2018 : 15M€ pour Geolid.
- Il y a eu 52 levées de startups en mars 2018,
- Le montant moyen des levées est de 2,9M€ et la médiane est de 2M€.
Les levées importantes du mois
Il n’y a pas eu de très grosse levée en comparaison aux mois passés. Les trois plus importantes représentant seulement 35,7M€ (27% du total des levées du mois), alors que l’an passé elles représentaient 114M€ (43% des levées de mars 2017). Nous sommes donc revenus à un niveau de levée de fonds équivalent à celui de 2016.
Avec une médiane (de 2M€) et une moyenne de (2,9M€), il est clair que l’ensemble des levées se situe à des niveaux similaires. Il faut cependant souligner que l’écosystème a réalisé beaucoup de levées de fonds en Seed.On dénombre sur mars 23 levées de fonds inférieures à 1M€.
Les Business Angels et les VC toujours en tête des investisseurs
Sur les 52 levées, 34 sont inférieures à 2,5 M€ avec deux fois plus de levées Early Stage (< 1M€), que de séries A entre 1 et 2,5M€.
Avec cette répartition, les types d’investisseurs les plus actifs restent donc logiquement les Business Angels et les fonds de Venture Capital.
Au moins un fonds de Venture Capital a investi dans 37 tours de table ce mois-ci, soit 71% des levées de fonds du mois.
Les Business Angels sont entrés au capital de 24 startups ayant levé, soit 46% des levées de fonds. Cette information est très intéressante car cela signifie que l’on retrouve des personnes physiques dans les tours de Serie A supérieurs à 1 M€. Les tickets moyens des Business Angels continuent donc d’augmenter. C’est une bonne nouvelle compte tenu des inquiétudes liés à la fin du dispositif ISF-PME suite à la suppression de l’ISF.
Deux secteurs toujours en puissance
Les deux secteurs les plus attrayants ce mois-ci sont le marketing digital et la fintech, des secteurs déjà dans le top lors de nos précédentes analyses de janvier et février. Ils combinent à eux deux 40M€ (26% du total levé) mais représentent 12 tours de table (21%) — ce qui signifie, qu’à la différence des mois précédents, les secteurs du top sont moins concentrés sur quelques « super-levées », les investissements sont donc généralement early-stage avec des montants compris entre 100k€ et 2,5M€.
Les seules exception à cette règle sont :
- Geolid (15M€), qui souhaite défendre les entreprises de proximité en transformant efficacement leurs pratiques de communication. C’est le fonds de capital risque Idinvest (racheté récemment par Eurazeo) qui a bouclé ce tour de table,
- Armis (6M€), qui cherche à offrir une communication locale de masse sur Internet pour les enseignes physiques et les marques. Le tour de table a été réalisé avec le fonds Elaia Partners, un peu plus d’un an après sa précédente levée de fonds d’1M€,
- Margo Bank (6,4M€), qui souhaite automatiser les activités bancaires afin de rendre son rôle de conseiller au banquier. Cette levée a été conclue par Daphni et des Business Angels de renom tels que Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon, Marc Simoncini, Thibaut Elziere, Franck Le Ouay, Rachel Delacour, Thierry Petit et Alex Lebrun.
Les deux secteurs suivants sont quant à eux plus phagocytés : la restauration/événementiel et l’automobile, autour de 12,5M€, n’ont closé que 2 tours de tables chacun. La restauration/évènementiel a été mis en avant via les levées de Privateaser (10M€) et de MonBanquet.fr (2,5M€). L’automobile, lui, a vu les startups Ornikar (10M€) et V-Motech (2,5M€) lever des fonds.
L’enjeux du printemps : une nouvelle dynamique pour la French Tech
L’anniversaire des 5 ans de la French Tech est marqué par une vacance à la présidence de l’initiative. Cette vacance et cet anniversaire marquent le pas pour le label public : un manque de cohérence et d’ambition se fait sentir…l’occasion pour plusieurs personnes de donner leurs avis sur l’avenir de cette initiative née en 2013.
“Haters” contre “makers”
D’un côté les “haters” avec leurs visions ironiques de la France, et leurs prophéties négatives sur l’avenir de l’écosystème ravivant la tradition française de la critique à tout va: quand ça se passe mal (“haha je l’avais dit”), ou quand ça va bien (“ça va se planter droit dans le mur”). Leurs arguments : l’initiative FrenchTech est une coquille vide (Joyeuses Pâques), un instrument politique, et la tech française est très loin d’avoir une once d’influence au niveau mondial. (Article de Kiss My Frogs, billet de Carlos Diaz fondateur de The Refiners, Article des Echos, article du Monde…).
De l’autre, les “makers”, ceux qui proposent une nouvelle dynamique indispensable pour la French Tech avec des propositions concrètes. Terra Nova propose une “fondation French Tech”, FranceDigitale propose d’en faire un organisme indépendant financé par le public et le privé composé d’entrepreneurs et d’investisseurs lié au secrétariat d’Etat au numérique. Plusieurs “VCs donnent leur avis constructifs : Mounia RKHA & Sam Jerusalmy décryptent le métier d’investisseur(e) en France et décrivent les enjeux pour une évolution positive des relations avec les startups, Marc Rougier apporte une vision lucide sur les échecs et imposent à la vigilance, J-David CHAMBOREDON demande plus d’investissement long terme dans la tech française, et Jean de La Rochebrochard et son “optimisme clairvoyant”.
Vous l’aurez compris, notre avis est plutôt d’être du deuxième “courant de pensée” : profitons de cette vacance à la présidence de l’initiative FrenchTech pour ajouter des propositions et des réflexions sur l’avenir de l’initiative, et surtout…restons positifs !
Depuis 2013, la French Tech n’a cessé de croitre
Non, La French Tech n’est pas qu’une illusion
Dire cela, c’est méconnaître les impacts extrêmement positifs qu’a eu l’initiative sur l’écosystème en France. Si elle a été (évidemment !) utilisée comme un instrument politique, La French Tech a surtout participé à un impact primordial selon nous : la démocratisation de l’entrepreneuriat. Au même titre que The Family, le Numa, les incubateurs d’école, France Digitale, Xavier Niel, la Station F, les formations universitaires et de grandes écoles, les échecs de startups récentes, la croissance de “role model”…etc. L’écosystème est né, et a créé son propre ADN (n’en déplaise à ceux qui comparent sans cesse les écosystèmes : comparaison n’est pas raison…).
La French Tech a créé en à peine 5 ans une marque forte au niveau français. Elle a su réunir des régions pour une promotion des Tech issues d’autres endroits que Paris. Elle a mis en avant les femmes, et les entrepreneurs venant de l’étranger ou des minorités (French Tech diversité, French Tech Visa…). Aujourd’hui il est essentiel que l’initiative retrouve une cohérence globale, et une intelligibilité de ses différentes initiatives. Les objectifs doivent être centralisés : continuer à fédérer l’écosystème et aider à sa diversification, accompagner les entrepreneurs vers l’international, faire rayonner les Tech françaises au delà de la communauté française.
Les défis restent nombreux. L’enjeux est de savoir si le dynamisme qu’a connu la Tech Française va continuer ces prochaines années. Prochaine étape : la décision du gouvernement attendue pour mai sur l’avenir de la gouvernance de l’initiative.
Aux entrepreneurs de jouer
Un point est cependant à rappeler : l’intervention du monde politique dans la Tech doit être mesuré. Ces interventions devraient toujours être assorties de mesures concrètes (comme c’est le cas aujourd’hui avec le rapport Villani en faveur de l’intelligence artificielle). Espérons qu’il en soit de même pour l’avenir de la French Tech.
French Tech publique ? Privée ? Nouvel organisme ? l’initiative ne doit permettre que l’émancipation et la croissance de ceux qui font la Tech aujourd’hui en France : les entrepreneurs et les investisseurs. Ces derniers doivent être encore plus “internationaux” dés le début : parler anglais, penser global dés le début, et afficher sur le mur de leurs premiers bureaux une carte du monde.
A côté, les investisseurs qui doivent être rassurés par le gouvernement. Il nous faut plus de fonds internationaux et structurés pouvant être en concurrence avec les fonds étrangers, sécuriser des investissements “long termes” et permettre aux entrepreneurs de se re-financer efficacement.
Jean de La Rochebrochard (Partner chez Kima) : “Pendant qu’on fanfaronne, qu’on se plaint ou qu’on refait le monde sans se mouiller, il y a heureusement des entrepreneurs qui avancent vraiment, très concentrés sur leur mission, celle de servir des solutions exceptionnelles à leurs clients.”
Sans fanfaronner pour autant, en 5 ans, la fenêtre s’est ouverte en Europe pour créer des géants technologiques. Cela déplaît à certains mais le mouvement est bien présent en France et l’initiative French Tech a largement participé à cette dynamique collective. Il nous tarde de voir les 5 prochaines années. Et comme on dit aux US : “haters gonna hate” ;-) !
Ces données sont issues de la base de données du site Eldorado, en partenariat avec Les Pépites Tech, annuaire officiel de la mission FrenchTech.
Il est important de noter que ces informations sont issues principalement de la communication choisie par les parties à la levée de fonds. Il est donc difficile de mesurer l’entière véracité (certains montants correspondent à la levée de fonds additionnée des financements publics non-dilutifs). Il est aussi important de noter que beaucoup de levées (surtout en Seed) ne sont pas communiquées.
Rédigé avec Arthur Coudouy avec la participation de Julie, Nina & Ségo ?