L’incertitude des derniers mois laisse maintenant place à une réouverture progressive des économies nationales, monitorée avec attention par les autorités sanitaires. En définitive, l’impact de la crise économique sur l’écosystème startup aura été plus mesuré qu’attendu, comme le révèle notre étude sur l’investissement au S1 2020. Les startups tricolores ont levé seulement 6% de moins qu’au même semestre de l’année précédente.
Les entreprises démontrent en effet une certaine résilience : on ne cite plus les chiffres astronomiques d’utilisation d’outils collaboratifs, qui ont profité d’une évangélisation accélérée. A l’image de la crise, la reprise est vécue différemment selon les industries et les entreprises. Parmi les startups françaises financées par le capital-risque et mise à mal ces derniers mois, 19% connaissent aujourd’hui une croissance supérieure à avant la crise (source : Chausson Finance).
Leur point commun ? Une dimension “low touch”, minimisant les contacts humains dans le processus de vente ou la réalisation du service. Explications de cette tendance de fond.
Un secteur mis en lumière par la crise sanitaire
Qu’est-ce que la low touch economy ?
L’expression de “low touch economy” a été inventée par l’agence d’innovation corporate Board of Innovation pour décrire l’évolution économique récente liée au Covid-19. Cette nouvelle économie est caractérisée par “des interactions physiques limitées, des mesures de santé et de sécurité, de nouveaux comportements et des évolutions industrielles sur le long terme”. Elle touche tous les pans de la société et les sphères publiques comme privées.
En réalité, cette économie se développe discrètement depuis plusieurs années. Mais le contexte actuel lui est particulièrement favorable. Elle repose en effet sur trois piliers qui se renforcent les uns les autres :
- Les mesures sanitaires : l’ensemble des directives des autorités sanitaires (port du masque obligatoire, minimisation des contacts physiques, recours privilégié au télétravail) restreint de fait les individus et crée de nouvelles habitudes. Ces mesures restreignent aussi directement l’économie, sous la forme d’arrêts de chantier par exemple ou de fermeture des magasins.
- La disruption économique : elle est la résultante des mesures sanitaires combinées à des changements d’habitudes profonds des consommateurs, qui se tournent vers de nouveaux produits pour pallier à leurs besoins du moment (courses en ligne, matériel informatique, etc.).
- Les changements comportementaux : la conséquence des mesures restrictives sanitaires et de la pression économique sur les revenus. Certains de ces comportements participent toutefois à relancer le virus (avec le non-respect des règles principalement), nécessitant de prendre de nouvelles mesures.
Le cercle vertueux à la base de l’économie low touch (adapté et traduit de Board of Innovation)
Les enjeux de la low touch economy
Board of Innovation prédit que cette nouvelle économie sera notre réalité pour les deux prochaines années au moins, et ce en partant du principe qu’un vaccin sera trouvé et massivement déployé début 2021. Autrement dit, il est vital pour les entreprises de faire preuve d’adaptabilité et d’une inventivité redoublée ces prochains mois.
Les équipes sont confrontées à un véritable casse-tête pour gérer les interactions limitées entre employés/consommateurs et les restrictions plus larges (de voyage ou de regroupement), tout en restant assez agiles pour survivre aux soubresauts de l’économie mondiale. C’est un enjeu de survie pour de nombreuses firmes, en particulier celles opérant dans des industries meurtries.
Le secteur du tourisme a par exemple dû repenser l’interaction entre clients, avec la redisposition des tables de restaurants, la majoration du nombre de voyageurs dans les hôtels ou encore la modification du service des hôtesses de l’air dans les avions. La mobilité a également été redéfinie : l’exemple actuel le plus marquant reste l’ajout massif (et temporaire) de pistes cyclables pour privilégier l’usage du vélo aux autres transports plus sujets à la promiscuité.
Quelques exemples d'entreprises gagnantes dans la low touch
La low touch economy pourrait profiter à un large nombre d’entreprises. Certaines en présentent déjà les caractéristiques, de part leur positionnement sur un secteur porteur et/ou l’adéquation de leur produit aux nouvelles attentes des clients.
🛒 La pépite française Mirakl, lancée en 2012, est le leader dans l’édition de logiciels marketplace. Elle fournit la technologie et l’écosystème partenaire nécessaires au lancement d’une marketplace et permet ainsi à ses plus de 200 clients B2B et B2C d’accélérer leur croissance e-commerce. Lauréat à l’édition 2019 du Next40, Mirakl devrait pouvoir capitaliser sur un intérêt redoublé ces prochains mois, alors que de nombreux commerces ont vu l’avantage d’avoir une activité digitale.
🏡 La startup californienne Matterport vend des caméras 3D permettant de scanner des espaces intérieurs en 3D et à 360 degrés. Une fois chargés sur le cloud, les scans permettent de réaliser des visites virtuelles depuis un web player ou un casque de réalité virtuelle. Une option pertinente pour visiter des biens immobiliers sans se déplacer.
🧳 Emissive, précurseur dans la réalité virtuelle, crée des expériences de VR et AR depuis 2005 à des fins événementielles, de formation ou de communication. La startup a travaillé au côté d’adidas, la SNCF, IKEA, Dassault Systèmes, Hermès, Samsung ou encore Eurosport. Avec ses derniers projets de visite de la pyramide de Khéops et de visualisation de la Joconde, elle mise sur un futur du tourisme et du divertissement désormais virtuel.
🤖 Spoon.ai développe depuis 2015 des robots interactifs intelligents en s'appuyant sur les principes et codes de la psychologie et de l'interaction animale (les "microinteractions").
🍕 Les restaurants ont certes fermés pendant le confinement, mais la jeune pousse Cala redéfinit le futur de la restauration. La startup développe un robot capable de prendre commande, préparer les plats et se nettoyer automatiquement. La première version, totalement autonome, est capable de produire 1 800 plats par journée et jusqu’à 800 par heure. Avec le contexte récent, le gain induit n’est plus seulement d’efficacité mais également sanitaire.
🚴♀️ La startup new-yorkaise Peloton intrigue les analystes depuis son IPO en septembre 2019. Lancée en 2012 suite à une campagne Kickstarter, la startup vend des vélos d’exercice et tapis de course d’intérieur connectés. Un écran tactile permet de suivre des cours de sport pour un abonnement de $40 par mois. L’entreprise compte aujourd’hui un million d’abonnés, dont 114 000 de plus depuis la fin du mois de mars seulement. Un équipement de choix (et premium) pour continuer son activité sportive depuis chez soi.
🧘 Dans le même secteur, la jeune startup Mirror vend un miroir à $1 495 pour visualiser des cours de sport en direct depuis chez soi. La marque a annoncé courant juin 2020 avoir été rachetée par la marque populaire de vêtements de sport Lululemonpour 500 millions de dollars. Un positionnement stratégique pour cette dernière, qui mise sur un futur low touch de l’activité sportive.
📐 Pour aider les restaurateurs dans la phase de déconfinement, la startup néerlandaise PlanFinder a lancé un nouveau produit au côté de son logiciel initial pour plans de niveaux. Ce nouveau produit permet de maximiser l’utilisation de chaises dans les espaces publics tout en respectant les distances de sécurité obligatoires. Une solution qui lui permet de capitaliser sur son expertise tout en acquérant de nouveaux clients.
Un cadre stimulant pour monter des entreprises résilientes
L’année 2020 est un test évident de solidité pour les entreprises et leurs dirigeants. Le passage à l’économie low touch implique de remettre en question certains traits organisationnels. En particulier, la nécessité des interactions entre employés et/ou entre clients se pose, tout comme celle des regroupements d’employés ou de clients.
Pour les entreprises mises à mal ces derniers mois, plusieurs options s’offrent à elles :
- Améliorer leur chaîne logistique, avec le rapatriement de certains procédés, le recours à des “dark stores” (l’équivalent en logistique des “dark kitchens”) et l’automatisation de certains services
- Revoir leur branding
- Changer leur positionnement, de B2B à B2C par exemple
- Développer une version digitale de leur service
- Créer un nouveau produit pour un autre problème de leur clientèle
- Adresser une nouvelle typologie de client ou développer un produit totalement nouveau
Les principales zones d’opportunités catalysées par la nouvelle économie (adapté de Board of Innovation)
Pour les entreprises qui pivotent leur offre ou qui se lancent tout juste, l’économie low touch présente des opportunités économiques quantifiables. En particulier en termes de CAC (customer acquisition cost), puisque l’automatisation des processus facilite l’acquisition des clients et permet de faire des économies. Le coût de production du bien ou service est donc plus faible, ce qui permet de réinvestir autre part dans l’entreprise.
L’économie low touch fait également écho à l’idée de confort utilisateur. Le paiement mobile ou la vérification identitaire par reconnaissance faciale profitent ainsi d’une évangélisation accélérée.
Les pivots opérés ces derniers mois et les offres nouvellement lancées intègrent à leur cœur une dimension de résilience. Une nécessité dans un monde encore instable et la possibilité de résurgence du virus ces prochains mois. De gré ou de force, les entreprises doivent se préparer à adapter leur activité et leurs offres à un monde partiellement fermé et dont les habitudes de consommation évoluent rapidement.
Les économies se restructurent peu à peu, intégrant une dimension nouvelle d’adaptabilité et de résilience. La restriction des contacts physiques est le défi de l’année 2020, que ce soit entre employés et/ou clients. Les prochains mois verront des solutions inédites voir le jour, afin de naviguer au mieux les prochaines crises sanitaires.
Retrouvez tout le travail de Board of Innovation sur le thème de l’économie low touch ici, ainsi que leur présentation complète.