Chez Eldorado.co nous analysons chaque mois, le suivi des investissements de Capital risque en France. Le salon Vivatech nous a permis d’aller à la rencontre d'un des acteurs de ce marché : les fonds d’investissements. Nombreux ont été les investisseurs qui ont franchi le parvis de la porte de Versailles, mais voici en exclusivité, ceux qui ont révélé lors de sessions de questions et réponses, les données clés de cette industrie en croissance :
- Kamel Zoual, Partner, Serena Capital,
- François Paulus, Founding partner, Breega Capital,
- Jenny Fielding, Techstars/ The Fund,
- Axel Kayyal Salesforce Ventures,
- Nicola McClafferty, Draper Esprit,
- Yann Kandelman, Orange Digital Ventures,
- Julien Maldonato, Deloitte.
#1 Le marché de l’investissement en capital risque en Europe montre ses premiers signes de maturité
Une plus grande représentation des pays européens :
Le constat positif des deux premiers fonds que nous avons rencontrés, Breega Capital et Serena Capital, c'est l'accroissement des investissements hors des pays anglo-saxons. En effet, de plus en plus de fonds s’intéressent aujourd'hui aux startups françaises, espagnoles, belges… Le salon vivatechnology en est lui même l'exemple puisque chaque année c'est près de 100,000 visiteurs d'une centaine de pays qui viennent à la rencontre des pépites françaises et européenes.
Une augmentation du ticket moyen d’investissement :
Ce que les deux fonds soulignent, c’est une augmentation du ticket moyen d’investissement au sein de leur portfolio. Cela montre la bonne dynamique et des premiers signes maturité de l’activité de capital risque en Europe. Pour les deux fonds, cette bonne dynamique a permis d’arriver aujourd’hui à un nombre satisfaisant de financements en Seed et en Series A. De fait, il y a aujourd’hui une compétition croissante au sein des fonds européens sur ces investissements. Le fait par exemple d’hisser aujourd’hui les fonds français au niveau des fonds d’investissements allemands, est pour les partners, l’un des signes de cette bonne santé de la scène VC française.
Un marché aux compétences et réglementations favorables :
Pour Nicola McClafferty, ce qui fait du marché européen un marché attractif, c’est l’excellence de ses centres de recherche. Aujourd’hui, pour recruter les meilleurs ingénieurs, il est devenu crucial de s'intéresser au marché européen. François Paulus, ajoute également que l'avantage de l’Europe se situe sur des marchés tel que la fintech où les réglementations sont aujourd’hui plus favorables.
#2 Le point faible de la scène VC européenne : les tours de tables en Series B, C et les exits
Toutefois, une remarque commune de ces deux fonds, est celle du besoin de maturité des investissements. En effet, il est nécéssaire à l’avenir d’avoir plus d’investissements en Series B, C et une multiplication d’exits en Europe.
Pour Kamel Zeoual, l’Europe n’est pas encore la destination majoritaire des entrepreneurs pour leur changement d’échelle. C’est plus souvent des marchés comme les Etats-Unis ou l’Asie, vers qui les entrepreneurs se tournent. La raison à cela est la maturité des marchés américains et asiatiques pour les nouvelles technologies. Il donne l’exemple de Dataiku, spécialisée en machine learning, qui s’est naturellement tourné vers le marché le plus mature pour changer d’échelle, les Etats-Unis. Il devient donc à ce stade intéressant de se tourner davantage vers des VC américains qui ont une meilleure connaissance de ce marché. A contrario, une entreprise comme Malt spécialisée dans le recrutement de freelances, avait pour ambition de devenir leader du marché Européen. C'est donc en Europe qu'ils ont naturellement choisir de lever un tour de Series B. L'attractivité de l'Europe pour l'internationalisation est donc en cours de construction, mais elle n'est pas encore majoritaire et cela cause la faiblesse des investissements en Series B et C, ainsi que des exits.
#3 La nécessaire construction d’un réseau international de VC
Pour Kamel Zeoual et François Paulus, les fonds VC français doivent être capable aujourd’hui d’accompagner l'internationalisation de leur portfolio vers différents marchés. Chez Serena, il est considéré comme capital d’avoir un réseau solide d’experts et de fonds VC étrangers. Les fonds américains sont pour Kamel Zoual, aujourd'hui plus aptent à accompagner une startup vers l'IPO sur les 5 prochaines années, en raison de leur forte expertise et de leurs ressources financières.
En Europe, des fonds tel que Draper Esprit, basé à Londres, ont d'ailleurs eux mêmes effectué leur propre IPO. Ce fonds, qui accompagne des startups à partir de la Series A, constate, malgrè son expertise, cette même tendance d'internationalisation massive vers les Etats-Unis. Le fonds pour faire face à cette tendance a lui aussi renforcé sa présence aux Etats-Unis. Implantés au coeur de la SIlicon Valley, des partners développent des relations et des contacts avec les fonds d'investissements et les experts les plus réputés.
#4 Une notion d’accompagnement remise à l’ordre du jour pour les fonds VC
Le besoin d'approfondir la connaissance du marché européen :
Pour Kamel Zeoual, pour assurer la bonne croissance de son portfolio, il est important de connaître en profondeur le marché sur lequel ses startups se développent. Il est également important de commencer à s’intéresser aux marchés dans lesquels le fonds VC est susceptible d’investir à l’avenir. Par exemple pour Serena Capital, c’est le cas du marché Espagnol, en développant cette connaissance, cela leur permettra d’être actif sur ce marché et de penser à l’implantation d’une équipe sur place. La connaissance du marché est donc pour lui un préalable à l’expansion du fonds. Cet accompagnement est important car comme le souligne Kamel, un portfolio performant, s'obtient par des bons retours financiers et par la construction d’une marque de qualité. C’est l’exemple des fonds Index Ventures et Balderton Capital qui travaillent sur cette réputation depuis maintenant 15 ans.
Un accompagnement opérationnel croissant :
Pour François Paulus, dès la création du fonds Breega Capital, la question de l’accompagnement est devenue essentielle. En effet, c’est en accompagnant les entrepreneurs dans leur croissance et leur exécution que leur portfolio est devenu de plus en plus qualifié. Pour se faire, ils ont par exemple recruté un chasseur de tête, pour permettre aux startups de recruter les meilleurs talents. C’est aussi ce qui leur a permis de s’implanter en Espagne où Breega a réussi à rapidement bien connaître le marché.
Cette notion d’accompagnement peut aussi prendre d'autres formes. C'est le cas de l’entreprise Salesforce, qui met à disposition ses outils de software à l'ensemble des startups accompagnées. L'entreprise créé ainsi un solide réseau de fondateurs Saas, qui peuvent comprendre et développer leurs technologies, ensemble.
Pour Jenny Fielding, c'est également cette interaction et cette synergie entre même startups d'un portfolio qui permet d'augmenter sa qualité. Pour cela, il faut multiplier les évènements en réunissant les équipes par métiers, les CEO, les CMO etc.. Pour leur permettre une entraide efficace lorsqu’ils font face à des problématiques similaires.
#5 La montée en croissance du Corporate Venture Capital (CVC) en Europe
Le cabinet Deloitte s’est associé au fonds Orange Business Services, pour analyser la nouvelle dynamique de ces fonds CVC au sein d’un rapport annuel, disponible ici. Voici ici, quelques éléments à retenir sur le marché du Corporate Venture Capital.
L’augmentation des investissements en CVC :
Ce que révèlent ces recherches, c’est une belle montée en puissance de l’investissement des CVC. De fait, avec +264 CVC qui ont investi pour la première fois en 2018 et 53 milliards de fonds levés où au moins un CVC a investi, le marché est en pleine croissance. Il est important de noter également que le nombre d’investissements réalisés par des CVC a été multiplié par 2 et le ticket moyen a connu une augmentation de 45%.
Des tickets moyens plus élevés :
Du côté de la stratégie d’investissement, entre 2017 et 2018, l'investissement en pre-seed a reculé d’environ 15% chez les CVC. Ceci alors même que l'investissement en seed s'est stabilisé et que l'investissement en Series A a diminué d’environ 5%. En revanche, la bonne nouvelle, c’est l’augmentation des investissements en Series B qui a augmenté de 30%. Le secteur privilégié pour l’investissement des CVC est sans surprise, celui de la mobilité. Le mois de mai a d'ailleurs confirmé cette tendance avec la dernière levée de fonds de 35M de la startup Heetch pour son expansion dans les pays francophones aux côtés du fonds CVC Via-ID (Groupe Mobivia). De même, nous avons rencontré sur le salon un accélérateur dédié à la mobilité, Car Studio, soutenu par le fonds Via-ID, qui mise sur la croissance et l'attractivité de ce secteur.
Sources :
Ces insights ont été recueillis durant les talks suivants :
- « VC trends in the UE », par Kamel Zeoual, Serena et François Paulus, Breega Capital
- « VC, it’s more than just money », par Jenny Fielding, Techstars, Axel Kayyal Salesforce Ventures et Nicola McClafferty, Draper Esprit
- « 2018 French Corporate VC Barometer: What are the key trends? » par Yann Kandelman, Orange Digital Ventures, Julien Maldonato, Deloitte.