Le mécanisme de l'apport-cession est avantageux, il vous permet en tant qu'investisseur de réinvestir à des conditions fiscales intéressantes. Alors, comment en bénéficier ? Pour répondre à cette question, nous avons sollicité l'avis d'un expert : Elie Boccara, Avocat Associé du cabinet Mamou & Boccara Avocats.
En cas de cession de titres, directement détenus par une personne physique (hors PEA), certains mécanismes permettent d’éviter l’imposition immédiate de la plus-value à l’impôt sur le revenu (i.e., prélèvement forfaitaire unique de 30% pour les titres acquis depuis le 1er janvier 2018).
Parmi ceux-ci, « l’apport-cession » (1) est une pratique encadrée par le législateur qui permet au contribuable de bénéficier d’un report d’imposition lors d’une cession de titres sous réserve du respect de certaines conditions (2).
Pour mieux comprendre, prenons un exemple :
L’investisseur A détient des titres dans la SAS A acquis au moment de sa création au 1er janvier 2016 pour 1 000€ qu’il souhaite aujourd’hui vendre pour 1M€.
Etape 1 : L’investisseur A apporte ses titres détenus dans la Société A à une holding créée pour les besoins de l’opération, la SAS B.
Les titres de la Société A sont valorisés 1M€ à l’actif de la Société B par un commissaire aux apports, générant ainsi une plus-value potentielle au niveau de l'investisseur A de 999K€ (i.e., différence entre le prix d’acquisition des titres et leur valeur d’apport à la Société B).
Quelles sont les conséquences fiscales pour l’investisseur A ?
Aucune ! La plus-value latente de 999 k€ sur les titres de la Société A bénéficie d’un report d’imposition.
Etape 2 : Cession des titres de la Société A par la Société B pour 1M€.
Quelles sont les conséquences fiscales au niveau de la Société B ?
Le prix de cession des titres de la Société A correspondant à leur valeur d’apport dans les comptes de la Société B (1M€), aucune plus-value n’est comptabilisée à l’issue de l’Etape 2 au niveau de la Société B et donc aucune imposition n’est due.
Quelles sont les conséquences fiscales au niveau de l’investisseur A ?
Au niveau de l’investisseur A, dans l’hypothèse où la cession (Etape 2) a lieu plus de 3 ans après l’opération d’apport (Etape 1), ce dernier continue de bénéficier du report d’imposition tant qu’il ne transfert (3) pas ses titres de la Société B.
A l’inverse, en cas de cession (Etape 2) dans un délai inférieur à 3 ans après l’apport (Etape 1), l’investisseur A continuera de bénéficier du report d’imposition seulement en cas de réinvestissement de 60% (50% avant la LF 2019) du prix de vente (et non pas la plus-value) dans un délai de 2 ans suivant le transfert.
Ainsi, le législateur offre la possibilité au contribuable de « reporter » son imposition sans limite de durée à condition que ce dernier laisse une grande partie du prix de cession sur la « table de jeu » et la réinvestisse dans l’économie réelle créatrice de croissance du point de vue du législateur.
Quels sont les réinvestissements éligibles au dispositif ?
Comme évoqué plus haut, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir au moins 60 % du produit de la cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession :
-
dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier ;
-
ou dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une société exerçant une telle activité, sous la même exception, et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle (4) ;
-
ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés répondant à certaines conditions tenant au régime d'imposition de la société, à son siège social et à son activité (5).
Les réinvestissements éligibles sont donc nombreux. Toutefois, dans l’hypothèse ou l'investisseur A serait dépourvu de projets à financer, il est possible de se faire assister par des conseillers en gestion de patrimoine qui pourront lui proposer des investissements éligibles.
Par ailleurs, le réinvestissement doit être effectué dans une perspective d'investissement à long terme. À cet égard, cette condition est présumée satisfaite lorsque les biens ou les titres objet du réinvestissement sont conservés pendant au moins 24 mois.
Quel est l’intérêt de réaliser un apport-cession ?
De bénéficier d’un report d’imposition ! Mais report ne veut pas dire exonération et chaque faux pas entraînera une imposition immédiate de la plus-value en report. Toutefois, il n’y a pas de limite dans le temps pour le report d’imposition et celui-ci peut perdurer indéfiniment.
A quel moment faut-il réaliser l’apport ?
Pour ce mécanisme, le timing est la clé.
En effet, réaliser l’apport trop en amont (ou pas assez) peut, dans certains cas, constituer un mauvais choix.
Pour reprendre le même exemple :
Etape 1 : Apport des titres à une holding créée pour les besoins de l’opération, la SAS B, valorisés par un commissaire aux apports pour 1 m€ en janvier 2018.
Etape 2 : Cession des titres A par la Société B pour 1,5 m€ en décembre 2019.
Dans ce cas :
Quelles sont les conséquences fiscales pour l’investisseur A ?
Le report d’imposition de 999K€ n’est maintenu que si l’investisseur A réinvestit 60% du prix de vente des titres de la Société A, soit 900K€ (1,5M€ x 60%).
Quelles sont les conséquences fiscales pour la Société B ?
Les titres de la Société A étant détenus depuis moins de 2 ans, la plus-value réalisée au niveau de la Société B sera soumise au taux standard de l’impôt sur les sociétés (28%) (6).
Ainsi, il est souvent conseillé de réaliser les apports de titres (i) très en amont de la cession (idéalement 3 ans avant celle-ci pour éviter le réinvestissement ou à défaut, 2 ans avant la cession pour éviter l’application du taux standard de l’IS sur la plus-value réalisée par la Société B) ou (ii) juste avant la vente pour avoir une valeur d’apport des titres identique au prix de cession (sans toutefois pouvoir éviter le réinvestissement).
Conclusion : le mécanisme de l’apport-cession est un dispositif fiscal incitatif qui a fait ses preuves. Certains pièges sont toutefois à éviter et nous ne pouvons que vous inciter à vous faire assister d’un conseil pour vous accompagner dans sa mise en place.
Et comment trouver la nouvelle startup dans laquelle investir ? Se créer un compte gratuitement sur Eldorado.co, pour bénéficier en quelques secondes d'un matching adapté à votre thèse d'investissement !
Notes :
(1) : Tel que défini à l’article 150-0 B ter du Code général des impôts.
(2) : Entre autres conditions, l’apport de titres doit être réalisé au profit d’une société soumise à l’IS (ou un impôt équivalent) et contrôlée par l’apporteur.
(3) : Cession, rachat, remboursement ou annulation des titres reçus en rémunération de l’apport réalisé par le contribuable, i.e., les titres de la Société B.
(4) : Au sens du 2° du III de l'article 150-0 B ter du Code général des impôts.
(5) : Au sens du 3° du II de l’article 150-0 D ter.
(6) : Le régime plus avantageux des plus-values à long terme (imposition d’une quote-part de 12% de la plus-value au taux standard de l’impôt sur les sociétés, i.e., taux effectif d’imposition d’environ 4%) n’étant donc pas applicable.