HER-VEST #4

Eldorado et la French Tech Grand Paris s’associent pour mettre en avant les femmes qui font la Tech française.


Ecosytème startup
Publié le 22/03/2023

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Nous vous proposons une série de portraits de femmes Business Angels ou travaillant en fonds d’investissement pour vous faire découvrir ou redécouvrir le parcours de ces femmes inspirantes et les raisons qui les ont menées à l’investissement en startup, les difficultés rencontrées et les apprentissages tirés. 

Après avoir travaillé pendant plus de 12 ans chez JP Morgan, en tant que banquière privée en France, en Angleterre et en Suisse, Pascale est désormais Team Manager au sein de la Banque Privée de ODDO BHF. ODDO BHF est un groupe financier franco-allemand fort d'une histoire de plus de 170 ans, dirigé par Philippe Oddo.
Le groupe est issu d'une banque familiale française et d'une banque allemande spécialisée dans les PME.

Chez ODDO BHF, Pascale a eu l’occasion de lancer le Young Entrepreneurs Awards, un prix qui a pour ambition de guider et soutenir les start-ups lauréates, grâce notamment à une aide financière et à un accompagnement proposé par les experts du groupe, et des personnalités aux profils variés : entrepreneurs expérimentés, business angels, partenaires médias... En 2022, ce sont 5 start-ups qui ont été récompensées pour leur audace, leur capacité d’innovation et leur vision, à Station F devant un panel de 300 invités. C’est dans ce cadre-là que nous avons voulu échanger avec Pascale, pour revenir sur son parcours passionnant en tant que femme dans le milieu encore très masculin de la gestion de fortune, et comprendre comment son chemin avait croisé celui de l’entrepreneuriat. 

Retrouvez donc notre échange avec Pascale ci-dessous : 

Pascale : A travers mes 24 années d’expérience et au fur et au gré des rencontres permises par mon métier de banquier privé, je me suis découvert une grande passion pour l’entrepreneuriat. Ayant fait le constat que tout entrepreneur aguerri a été un jour un jeune créateur, j’ai eu très envie de soutenir les startups même si je n’y investi pas directement. J’estime qu’elles jouent un rôle essentiel dans notre monde actuel, elles améliorent notre futur et par le courage de leurs fondateurs, elles envoient un message de motivation aux générations futures. 

Concernant la place des femmes dans l'entrepreneuriat, elles sont encore minoritaires et sous représentées. Leur rôle a évolué, certes, mais il y a encore une marge de progression, les femmes ont encore des places à prendre dans le monde professionnel.

Bien sûr, les mentalités ont évolué, une éducation a été faite autour de l’égalité des chances, mais quand on regarde les chiffres, on voit bien que la réalité est différente, et que les femmes sont encore sous financées et sous représentées, tant du côté des entrepreneuses que des investisseuses.

Ce que nous vous proposons pour commencer, c’est de revenir sur votre métier, et votre quotidien, car ce n’est pas un métier dont on parle beaucoup. Pour qu’on puisse comprendre votre quotidien, et comment vous en êtes venu à vous intéresser à l’innovation.
Je vais revenir sur la version courte de mon parcours, car c’est important de le décrire pour bien comprendre ce que je fais aujourd’hui et comment je le fais. Je pratique un métier qui peut être exercé de mille manières différentes, et en toute honnêteté, je pense que j’ai pris tout ce que j’avais à y prendre. Je n’ai pas le même parcours qu’un banquier traditionnel ou qui a travaillé dans des banques de réseau.
J’ai commencé à faire mes stages chez JP Morgan, quand j’étais encore en école de commerce. J’ai effectué mon premier stage à l’âge de 19 ans, et je le dis souvent, c’était une des plus belles “histoire d’amour” entre un employeur et une employée. Je me suis tout de suite sentie dans mon élément et j’ai adoré cet environnement anglo-saxon. Je sentais que ça marchait à la méritocratie. Ce n’était pas les études, le background, ou le nom qui comptait, mais la qualité de notre travail. Assez rapidement, mon premier stage a pris une tournure inattendue. Je travaillais dans une entité qui a finalement été vendue un mois après mon arrivée. J’ai donc eu la chance d’être impliquée dans la vente de cette activité et d’assister la responsable du bureau dans cette opération. J’avais 19 ans et je me suis retrouvée à faire des choses beaucoup plus seniors, en mentant parfois sur mon âge à mes interlocuteurs (rire).

A la suite de ce stage, mes responsables chez JP Morgan m’ont proposé de continuer à travailler chez eux pendant et après mes études. Mon dernier stage devenait un CDI sous condition d’obtention de mon diplôme. J’ai été diplômée à l’aube de mes 22 ans, et mon CDI a débuté à ce moment-là. 
J’ai passé 13 ans JPMorgan. Après un an à Paris, je suis partie à Londres travailler pour le responsable Europe du groupe. J’ai collaboré pendant deux ans avec lui sur des sujets stratégiques, à mon niveau de petite main. Et cette expérience m’a permis de comprendre comment une entreprise telle que JP Morgan fonctionnait.
À l’issue de cette mission, j’avais très envie d’endosser le métier de banquière privée, car l’image que j’en avais, c’était le contact humain en permanence, et c’est ce que j’aimais le plus. Par ailleurs, par rapport à d’autres métiers du monde bancaire, le banquier privé est généraliste. J’adorais l’idée de me dire qu'on pouvait déployer toute une palette de produits sans limite.

Je suis donc partie à Genève pour être au cœur du réacteur de la banque privée, parce que Genève était, et est encore aujourd’hui, une place stratégique pour les investisseurs du monde entier. J’ai travaillé pendant 4-5 ans avec des grandes familles internationales installées en Suisse, parfois depuis plusieurs décennies.
Dans un second temps, j’ai pu couvrir les marchés israéliens et turcs. J’allais à la rencontre de mes clients, sur place, dans le but de leur proposer des solutions ayant pour but de sécuriser le patrimoine qu’ils pouvaient générer pendant leur vie d’entrepreneur. Il n’y avait pas encore beaucoup de banquiers qui se spécialisaient dans ces pays à cette époque (2005 - 2006). C’était une grande chance de vivre cette expérience car j’étais au cœur de l’entrepreneuriat et de l’innovation : dans les deux pays, il s’agissait de nouvelles fortunes créées dans des pays en pleine croissance, et le fait de leur rendre visite chez eux m’ont permis de découvrir concrètement leurs réalisations. En Turquie, j’ai visité des entrepôts de cuisine sur des centaines de mètres, des usines de recyclage de métal escortée par des chiens, j’ai veillé des unités centrales à Haïfa au nord d’Israël en buvant une bière avec mon client, j’ai fait des rendez-vous sur la plage, j’ai testé les sels de la mer morte… c’était incroyable. 

C’est pour cela qu’à mon sens, le métier de banquier privé est un métier très riche. Il n’y a pas un rendez-vous, une rencontre, qui ressemble à une autre. Pour chaque nouveau client, il faut comprendre sa philosophie, son aptitude au risque, ses projets familiaux, son appréhension de l’argent… et c’est ce qui me passionne le plus dans mon métier. La mission principale consiste à aider des entrepreneurs à passer d’un patrimoine professionnel à un patrimoine privé, que ce soit une transition progressive ou plus brutale. Il faut les aider à faire leur éducation sur les marchés financiers, à appréhender leur fonctionnement petit à petit.

Un entrepreneur qui fait un LBO ou vend sa société a souvent du mal à comprendre ce qui lui arrive, à comprendre son niveau de richesse. Le banquier a aussi un rôle de psychologue pour faciliter cette transition. Au-delà de comprendre toute la situation patrimoniale et de lui proposer des solutions adaptées au contexte de marchés, il doit aussi détecter la psychologie de son client, son appréhension au risque mais aussi au fait de s’enrichir.

Merci beaucoup pour ces explications qui nous permettent de nous immerger dans le quotidien d’une banque privée. Vous faites également le lien avec l’entrepreneuriat. Vous l’avez observé à travers vos clients, et c’est ça qui a allumé un peu la flamme j’imagine. Est-ce que ces clients, qui sont eux-mêmes des entrepreneurs, ont une volonté de placer une partie de leur patrimoine dans l’innovation ?
J’avais un jeune client dans le précédent établissement, où je travaillais. Il s’agissait d’un entrepreneur dans le digital d’une trentaine d’années. Alors que j’étais déjà chez ODDO BHF, j’apprends qu’il a cédé son entreprise et naturellement reprend contact avec lui. Il m’a fait une réponse éloquente : “Le monde bancaire est un monde totalement éloigné du mien, je ne me retrouve pas du tout dans ces valeurs, je ne veux faire que de l’investissement à impact, mettre mon argent au service de choses qui ont du sens”. Cette déclaration a agi comme un électrochoc pour moi. Après réflexion, j’ai compris pourquoi il disait cela, et je me suis dit que quand les banques ont les moyens humains et financiers de le faire, elles doivent aider les porteurs de projet le plus tôt possible dans leur parcours. Et au-delà du soutien qui leur ait apporté tout au long de leur parcours, cet accompagnement légitime la présence du banquier le jour où il y a un évènement de liquidité comme la vente de l’entreprise par exemple. Quand vous avez pris des risques ou alloué du temps désintéressé pour aider un entrepreneur, il sait en général s’en souvenir le jour où la balle change de camp. Et je pense que ce sont les propose de ce client qui ont suscité en moi l’envie d’aider les jeunes entrepreneurs et de proposer à mon employeur de m’aider à réaliser cette mission. Je n’ai pas eu de réticence pour convaincre mon management, surtout que chez ODDO BHF, nous étions déjà très tournés vers l’innovation, et les FinTech, dans lesquelles nous investissons (Bankin, Lydia, etc). Pour moi, le terrain était propice : rien de mieux que de travailler dans une entreprise familiale qui soutient l'innovation pour créer un concours pour récompenser les jeunes entrepreneurs innovants.

Les banques n’ont pas forcément la réputation d’être les plus branchées innovation, en tout cas il y a quelques années. Est-ce que vous pensez qu’il y a plus de choses à faire à ce niveau-là ? Des stratégies d'innovation qui peuvent être poussées un peu plus loin ? Dans cette période de contraction du marché, est-ce que les banques ont un rôle à prendre plus important ? 
Je trouve qu’il y a eu un certain nombre d’initiatives qui ont été prises par des banques; le Crédit Agricole avec son réseau d’accélérateurs “Le village By CA”, la Banque Postale Asset Management avec les Trophées de l’Innovation, ODDO BHF bien sûr qui consacre une part importante de ses revenus à la recherche et l’innovation, et d’autres encore. Il y a donc une impulsion qui a été donnée par le monde financier, complétant ainsi des acteurs comme la BPI, qui a fait beaucoup aussi pour paver la route. Les banques sont prêtes aujourd’hui à consacrer du temps et de l’argent pour soutenir les entreprises et l’innovation. Pour moi il y a un vrai changement depuis quelques années, de plus en plus de passerelles entre le monde bancaire et le monde de la création et de l’innovation. Mais nous en sommes encore aux prémices et il y a encore beaucoup à faire.

Est-ce qu’un jour vous voudriez vous lancer dans l’entrepreneuriat, avec toutes ces connaissances de l’écosystème bancaire pour le financement je pense que ça ne devrait pas être un problème car vous connaissez les mécanismes, ou est-ce que vous vous voyez après, qu’est ce que vous allez faire justement de ce côté relationnel qui vous passionne et qui est justement au coeur de l’entrepreneuriat aussi ? 
En effet, la création d'entreprise m'a toujours intéressé. J’ai une anecdote à ce sujet : j’avais 7 ans, je prenais mon petit déjeuner avec mon père à base de tartines, de pain et de beurre. Et là j’ai fait un constat et j’ai dit à mon père : “Au lieu de tartiner du beurre et de la confiture, on devrait faire du beurre aromatisé aux fruits, on gagnerait ainsi beaucoup de temps au petit déjeuner !”. Il m’a prise au sérieux et a challengé mon idée. Et du haut de mes 7 ans, j’étais prête à contacter Danone pour voir s’ils avaient les moyens de fabriquer un truc pareil. C’est dommage, je n’ai pas poursuivi l’idée, j’aurais peut-être été milliardaire aujourd’hui (rire). Je raconte cela pour dire que j’ai toujours aimé créer. Après, la vie fait que l’on n’a pas toujours les moyens, le temps, l’audace pour créer une entreprise, et quand on est salarié, on est dans un confort de vie, qui parfois, empêche de sauter le pas. Pour ma part, je me suis en plus retrouvée maman solo quand mon premier enfant était tout petit. J’appelle cela le syndrome de la mère célibataire, être obligée de mettre certains projets entre parenthèses car avec une seule source de revenus, il faut limiter les risques.
Mais ce qui m’épanouit beaucoup chez ODDO BHF, c’est que j’ai pu monter un projet intrapreneurial à travers le concours Young entrepreneurs Awards On m’a dit confié un budget, j’ai constitué une équipe, on m’a fait confiance. Ce projet a enlevé un peu de ma frustration de ne pas avoir créé d’entreprise, et j’espère continuer à faire des projets aussi engageants pour le groupe, parce qu’au final c’est peut-être la configuration idéale, mettre sa créativité en valeur tout en ayant la sécurité d’un emploi salarié

En parlant des entrepreneurs avec lesquels vous avez pu vous rapprocher lors de cet évènement, et de manière générale, vous qui observez l’économie de l’intérieur, et de façon un peu plus macroéconomique, est ce que vous auriez des conseils à donner aux entrepreneurs aujourd’hui, dans une période comme celle que l’on est en train de vivre, non seulement sur la gestion de leur projet, mais surtout autour de leur recherche de financement, en quoi cela les impacte, qu’est-ce qu’ils peuvent faire pour continuer de faire croître leur entreprise ?
D’un point de vue macroéconomique, nous vivons une période un peu compliquée, et cela aussi et avant tout les entrepreneurs dont les plus jeunes qui sont plus vulnérables. Pourquoi ? Parce que l’aire de l'argent facile, avec des taux d’intérêts très bas voire négatifs, et un soutien massif des banques centrales à l’économie, est finie. Il était plus facile d’emprunter et ces masses d’argent colossal injecté dans les marchés financiers, même s’il y a eu un impact dans l’économie réelle, a provoqué un gonflement des valorisations, et en particulier de celles de la Tech. Et maintenant que les taux remontent, on assiste à un écrasement des multiples, ce qui aura un impact réel sur les entreprises non cotées également. Aujourd'hui, c’est plus compliqué de lever des fonds, et le crédit coûte plus cher. J’ai un peu peur en effet que tous ces jeunes aient un peu plus de difficultés, en tout cas pendant cette période de transition. 

Le conseil que j’ai envie de leur donner, c’est de bien calibrer leurs besoins par rapport à l’aide qu’ils peuvent obtenir. Je vais vous donner un exemple concret, sur les 120 projets que nous avons reçus pour la première édition notre concours, j’ai vu quelques rares levées de fonds qui étaient sollicitées dans le but de payer des salaires conséquents aux fondateurs, alors que la boîte avait à peine six mois et ne générait aucun revenu. On voit aussi trop souvent des entrepreneurs qui ne sont pas assez préparés à présenter correctement leur projet, il y a encore trop de levées de fonds qui échouent à cause de cela. C’est pour cela que nous proposons aux dix finalistes de notre concours tout un programme d’accompagnement qui couvre aussi la posture du dirigeant.

Ça nous fait une belle transition sur les biais autour de l'entrepreneuriat féminin. Est-ce que vous pensez que la relève est assurée pour la nouvelle génération de business angels ?
Ça va prendre encore un peu de temps. Les biais que l’on peut avoir quand on s’adresse à un homme et à une femme sont encore très présents. Quand on parle à une entrepreneuse, il peut malheureusement arriver que son projet soit pris moins au sérieux. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on doit donner la parole à des femmes emblématiques qui sont parfois encore trop dans l’ombre. Je pense à des femmes incroyables comme Dominique Senequier qui gère une des plus importantes sociétés de Private Equity dans le monde (Ardian), je pense à Tatiana Jama, qui a créé le collectif SISTA, je pense à Céline Lazorthes, une serial entrepreneuse de talent, je pense à Clara Chappaz qui dirige merveilleusement bien la French Tech.

Petit à petit c’est par la pratique que l’on va réussir à surmonter ces clichés.

Je discutais récemment avec Marc Fiorentino qui anime l’émission “C’est votre argent” sur BFM business et, à laquelle j’ai le plaisir de participer depuis dix ans maintenant. Nous évoquons souvent le sujet de la place des femmes, car nous sommes encore trop peu nombreuses sur le plateau. C’est une émission qui est très liée aux marchés, à l'économie, à la bourse, et c’est compliqué pour lui de trouver des femmes qui ont les compétences qu’il recherche, parce que le métier de Chef Economiste reste encore très (trop) masculin (par là j’entends majoritairement pratiqués par des hommes). Idem pour les gérants de portefeuille. Et il m’a expliqué que les seules fois où des invités ont annulé à la dernière minute, c’était toujours des femmes. Soit, parce qu’elles gèrent tellement de choses à côté qu’elles ont un problème de logistique qu’elles ne peuvent pas surmonter, soit elles ont un problème de légitimité. Elles ont finalement peur de venir, ne se sentent pas forcément légitimes. Et j’avoue que cela m’a pris du temps à moi aussi de me sentir légitime dans cette émission ou d’autres. Les femmes doivent surmonter leurs peurs et leurs blocages si elles veulent changer leur place dans le monde entrepreneurial. Cela doit venir aussi de nous, pas seulement des quotas ou lois qui soutiennent la place des femmes dans le monde de l’entreprise.

 

Peut être quelques mots sur le Young Entrepreneurs Awards (YEA), qui marque du coup une forte implication d’Oddo sur le futur de l’entrepreneuriat, de la Tech et de l’impact. On a aussi remarqué que les lauréats avaient une forte mixité et parité. Est-ce-que vous pouvez nous en dire un peu plus ? Comment est-ce que vous voudriez que ça évolue ? Quels ont été les enjeux pour vous du positionnement d’Oddo ? 
À l’origine, afin d’apporter un gage de solidité complémentaire, nous avons décidé de travailler avec des incubateurs. Cela permettait également de créer aussi un cadre rassurant pour la banque comme nous créions le concours. Au début nous étions partis sur les incubateurs des grandes écoles. Mais on ne voulait surtout pas être élitiste, donc nous avons ajouté quelques incubateurs complémentaires. Non seulement une entreprise incubée a un taux de survie plus important qu’une entreprise non incubée mais aussi, compte tenu du rôle jouée par les incubateurs auprès des entrepreneurs, nous avons estimé que nous pouvions être tout à fait complémentaires via notre expérience auprès des entrepreneurs et grandes familles entrepreneuriales, et notre réseau.
Quant à nos critères de sélection, il fallait que la startup soit créée, et commence à avoir un peu de substance, comme un carnet de commandes qui se remplit, un peu de Chiffre d’Affaires etc. Nous avons reconduit ces critères pour la deuxième édition. Tout cela a généré une forte diversité dans les projets reçus. D’ailleurs, un message très intéressant : 72% était des projets étaient des projets à impact, et 50 % des dossiers étaient portés par des femmes. La grande gagnante du concours était d’ailleurs une femme.

 Est ce que vous rejoignez le constat que des équipes plus mixtes ou plus paritaires sont gage de qualité ? Pour la survie de la boite et une meilleure efficacité, cela vaut le coup de miser sur des équipes mixtes ?
Ce dont je suis convaincue, c’est que la mixité, quel que soit le domaine, apporte beaucoup. Au niveau de l’éducation, de la parité homme/femme, des origines sociales, des religions etc.
En mettant un petit bout de chacun vous arrivez à un mélange très intéressant.
Pour OYEA par exemple, la complémentarité de l’équipe était l’un des critères les plus importants. Une équipe composée uniquement d’hommes ingénieurs était un vrai point négatif alors que les équipes de management mixtes à tout niveau retenaient beaucoup plus l’attention des jurys. La complémentarité des origines, des études, des spécialités, des personnalités, c’est cela qui fait la richesse.

Vous qui venez d’un environnement plus institutionnel que l’environnement startup, comment est-ce qu’une femme aujourd’hui qui veut travailler en banque, Asset Manager, fonds d’investissement peut faire ? Est-ce-que ça passe par l’éducation, est-ce-que ça passe par la confiance en soi? Pour qu’il y ait plus de femmes à ces postes là ?
Je pense que cela doit venir de l’individu et qu’il faut prendre les devants. Quand j’ai postulé pour le poste de banquier sur la région Turquie – Israël, le responsable de l’équipe m’avait fait comprendre que ce n’était pas la place d’une femme. J’avais 27 ans, je n'avais pas encore d’enfants, je ne comprenais pas et n’acceptais pas cette remarque, et je me suis accrochée. 
Je dirai même que cela m'a donné encore plus envie de persévérer et de réussir, alors après avoir insisté, j’ai fini par obtenir le poste. C’est vrai que je n’ai pas eu de vie personnelle pendant ces années, c’est vrai que je voyage parfois tôt le dimanche pour Tel Aviv, ou que j’arrivais à Istanbul le dimanche soir toute seule avec des classes d’affaires où j’étais la seule femme. On me prenait souvent pour la petite amie du banquier qui prenait du bon temps à l’hôtel pendant que son mari travaille. J’ai eu quelques grands moments de solitude, je ne vais pas dire le contraire. Mais je suis fière d’avoir vécu cette expérience et de m’être accrochée.

Encore aujourd’hui, quand une femme a des responsabilités, il y a encore souvent une remise en question de sa légitimité, même de la part d’autres femmes. Et nous devons souvent affirmer que si nous sommes là, c’est grâce à nos compétences. Ce sont elles qui nous rendent légitimes. 

Dans mon métier par exemple, je pense qu’une femme peut aussi bien, voire mieux réussir qu’un homme, parce que les qualités requises sont souvent des traits de caractère plus féminins. Mais je ne veux pas généraliser car ce sont les clichés comme cela qui empêche le monde d’évoluer autour de ces sujets. Certains hommes ont des qualités très féminines et vice versa. Parmi ces qualités, je pense à l’écoute, le détachement vis-à-vis de la réussite d’autrui, l’empathie, l’égo plus modéré. Il faut savoir se mettre à la place des gens, et comprendre ce qu’ils recherchent, c'est comme cela que l’on peut donner les meilleurs conseils. 

Pour finir, un conseil pour une femme qui veut se lancer dans l’investissement ?
Chez ODDO BHF, nous avons aussi créé The Ladies Bank, avec l’idée justement de pouvoir réaliser des évènements patrimoniaux dédiés aux femmes partant du postulat que l’indépendance financière passe aussi par l’éducation financière. Nous nous sommes rendu compte que les femmes n’osaient pas toujours poser des questions à ce sujet, sûrement parce qu’elles ont eu accès à la gestion de leurs avoirs il n’y a pas si longtemps que ça.
Et, comme le meilleur investissement est celui que nous comprenons, cet accès à la connaissance leur permet de mieux investir. Au-delà de la compréhension, il y a aussi le suivi des placements. A travers ces rendez-vous, elles peuvent ainsi suivre plus facilement la conjoncture et leurs investissements car elles y rencontrent des spécialistes sur des sujets macro comme plus thématiques. Par ailleurs, le site internet www.ladiesbank.fr offre du contenu pédagogique gratuit et accessible dont des conseils juridiques, fiscaux et financiers adaptées aux femmes.

Pour le mot de la fin, est ce qu'il y a encore un tabou ou un malaise chez les femmes à parler d’argent plus que chez les hommes ?
Oui, clairement même si cela s’améliore. C’est aussi pour cela que nous créons des évènements spécifiques pour les femmes : c’est beaucoup plus facile pour elles de poser des questions sur les marchés financiers et sur leur patrimoine quand elles ne sont pas observées par des hommes.

Avec la contribution de
aude@eldorado.co's picture
Aude Delépine

Eldorado


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