Suite à notre analyse de l’investissement en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, nous vous proposons aujourd’hui une étude centrée sur la quatrième région économique française : l’Occitanie. La French Tech est en effet marquée par les inégalités territoriales, avec un grand écart entre l’Île-de-France et les régions suivantes. Pourtant, toutes offrent des opportunités intéressantes et profitent d’expertises uniques. Retour sur les chiffres de 2019.
L’Occitanie, territoire façonné par ses expertises
Une région dynamique pour l’entrepreneuriat français
Quatrième territoire économique français, l’Occitanie contribue significativement au rayonnement entrepreneurial national. En témoigne le nombre d’entreprises créées sur le territoire en 2019 : 75 565 nouvelles structures, soit une augmentation de près de 20% comparé à l’année précédente (source : Insee). C’est plus que la moyenne nationale située à 17,9% et relativement similaire au taux enregistré en Auvergne-Rhône-Alpes.
Evolution des créations d’entreprises dans la région Occitanie (source : Insee)
Le tissu économique régional est façonné par des PME et ETI hautement technologiques, regroupés dans des clusters ou pôles de compétitivité. L’Occitanie compte ainsi 15 des 67 pôles de compétitivité de l’Hexagone, dont le pôle mondialement renommé Aerospace Valley. ⅓ des effectifs de l’aéronautique, de l’espace et des systèmes embarqués y travaille, ce qui représente 146 000 emplois industriels et 8 500 chercheurs collaborant ensemble. Au niveau de la recherche régionale, on compte plus de 29 000 chercheurs, 5,6 milliards d’euros de dépenses de R&D chaque année ainsi que 956 demandes de brevets à l’INPI annuellement (source : CCI Occitanie).
La diversité des filières et des expertises des pôles de recherche invitent les créateurs d’entreprise hautement technologique à se lancer dans la région. Par effet de ruissellement et les partenariats public-privé, ces jeunes entreprises bénéficient des recherches appliquées et des connaissances des nombreux laboratoires de recherche, universités et écoles. Toulouse concentre par exemple les sièges locaux du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM, de l’IRD, du CNES, de l’ONERA et de Météo-France. Elle va par ailleurs inaugurer courant 2020 la Cité des Startups dans les anciennes halles de montage des avions Latécoère, renforçant son attractivité auprès des jeunes entreprises de la région. La ville rose a également été labellisée Capitale French Tech en avril 2019 au côté de Montpellier, rejoignant le club fermé des 13 capitales FT.
Au niveau départemental, ce sont les Hautes-Pyrénées (derrière Tarbes), le Tarn (porté par Albi) et la Haute-Garonne (derrière la préfecture régionale Toulouse) dont la forte croissance tire la moyenne régionale de créations d’entreprise vers le haut. Chaque département a profité du climat général favorable à l’entrepreneuriat en 2019. La région reste toutefois marquée par deux principaux viviers d’entreprises : la Haute-Garonne, suivie de près par l’Hérault. Les départements suivants peinent quelque peu à combler leur retard.
Evolution des créations d’entreprises par département (source : Insee)
Des financements multiples proposés par des acteurs locaux et nationaux
Marquée par l’industrie aéronautique, la région n’en reste pas moins un lieu incontournable de la recherche nationale sur d’autres sujets (chimie, agroalimentaire, médecine). Le financement de la région est particulièrement actif, d’une part pour soutenir les startups locales issues de la recherche, mais aussi pour financer les startups d’autres secteurs. La région est particulièrement active pour développer de nouvelles aides ou investir en fonds propres. Parmi les aides locales à l’innovation les plus courantes, on retrouve :
- Pass Occitanie : décliné en trois volets (Investissement, Innovation, Export), le programme prend la forme d’une subvention d’un montant maximum de 20k€.
- Contrats : pour les projets de développements plus conséquents (en temps et financement), la région propose des subventions (jusqu’à 1m€) ou des avances remboursables (jusqu’à 2m€).
- Parcours Start’Oc : décliné en trois volets, ce dispositif est exclusivement destiné aux startups. Chaque programme est conditionné au développement de l’entreprise candidate, de sa création (Projet, aide de 5k€) au soutien de son développement (Process, jusqu’à 50k€) et phase de scale up (Progrès, jusqu’à 2m€ d’avance remboursable).
A noter également la concentration d’investisseurs locaux, ainsi l’activité des organismes de recherche nationaux et corporates :
- Les fonds VC locaux : IRDI Soridec Gestion, Sofilaro, IRDInov (fonds interrégional cogéré entre autres par Irdi, Bpifrance Investissement et les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine), M Capital Partners, la région Occitanie et Occipac
- Les organismes et centres de recherche nationaux : ADEME, ANRT (l’agence nationale de réglementation des télécommunications), CNRS, INRA, INSA
- Les corporates industriels et leurs filiales : Saint Gobain Recherche, Sham Innovation Santé, Majycc eSanté Invest, Alstom, ADP Invest
De part la concentration d’entreprises hautement technologique dans la région, les fonds spécialisés non locaux prennent régulièrement des participations dans les pépites locales : c’est le cas d’Elaia (Deeptech, Digital, Biotech), Demeter (Smart Energy, Smart City, Smart Mobility), Alter Equity (Impact social ou environnemental), ACE Management (Défense, Sécurité) et Aviva Impact Investing (ESS).
Un territoire marqué par des expertises uniques
Industrie aéronautique et spatiale, recherche agricole, agronomie, étude de la biodiversité et de l'environnement, les domaines de prédilection de la région présentent une forte valeur ajoutée. Des expertises qu’elle cherche à conforter en favorisant les partenariats technologiques public-privé et en incitant les entreprises de toutes tailles à innover.
L’Occitanie constitue le cœur de l’aéronautique européen, avec 800 entreprises et 86 000 emplois directs dans l'aéronautique et le spatial, soit 40 % de l'emploi industriel régional. Les sièges d'Airbus, ATR ou Stelia Aerospace à Toulouse, ainsi que les implantations de Safran et autres groupes industriels contribuent au rayonnement du secteur. Par ailleurs, 75 % des ingénieurs français du secteur sont formés en Occitanie, principalement à Isae-Supaero et l'Enac, ce qui renforce l’expertise du territoire.
Source : The VC Factor (FEI et Invest Europe)
Ces savoir-faire uniques contribuent au rayonnement de la région au-delà de l’Hexagone, puisqu’elle située parmi les premières régions européennes en investissement cumulé (source : FEI et Invest Europe). Elle rivalise entre autres avec la région PACA, l’Est britannique, la Lombardie, le Nord du Bade-Wurtemberg et le Sud de la Suède. Une position privilégiée dans l’écosystème européen.
Une perspective européenne doit donc être envisagée afin que la région conserve sa position de choix dans l’écosystème européen, se différencie de ses voisins et engendre toujours plus de pépites technologiques. La nomination au FT120 de Lunchr et Microphyt, qui ont enregistré les plus importants tours de table régionaux de 2019, récompense des entrepreneurs de talent.
L’Occitanie, un territoire dynamique aux niveaux de financement fluctuants
L’inégale répartition régionale du financement
La région Occitanie a capté 131 millions d’euros en 2019, soit 17% de moins qu’en 2018. Elle n’en reste pas moins la 3e région en nombre de tours de table, avec 6,1% des opérations recensées sur l’année. En valeur, elle représente 2,6% des montants levés (un niveau similaire aux Hauts-de-France).
L’Occitanie constitue la 5e région en valeur des opérations, en perte de deux places par rapport à 2018. La conséquence d’un nombre d’opérations inférieurs, alors que la grande majorité des régions a enregistré une croissance en 2019. Malgré cette fluctuation conjoncturelle, l’Occitanie offre des niveaux similaires de financement aux Hauts-de-France et à la région PACA.
L’inégale répartition territoriale du financement en 2019 (source : Eldorado)
Au niveau local, les disparités sont également visibles : Montpellier et Toulouse enregistrent les ⅔ des opérations de ces deux dernières années, loin devant Labège et ses 6 opérations. Suivent Ramonville-Saint-Agne (4), Baillargues, Grabels, Béziers et Colomiers (tous à 2 ex aequo).
Le profil des investisseurs les plus actifs en Occitanie
Le duo habituel fonds VC/business angels présente les mêmes proportions qu’au niveau national : les fonds de capital-risque ont participé à 74% des opérations régionales en 2019, et les BA à 39%. En revanche, les CVC et banques ont ralenti leur activité l’an passé, un constat à mettre en parallèle avec la baisse du nombre d’opérations.
Les bras d’investissement des corporates sont en effet passés de 9 opérations en 2018 à une seule en 2019 ; tandis que les banques ont soutenu 8 projets en 2018 contre 2 en 2019. Les corporates ont maintenu leur rythme d’investissement, avec 3 opérations.
Evolution du nombre d’opérations par investisseur en Occitanie (source : Eldorado)
Les investisseurs étrangers ont participé à 4,4% des opérations recensées dans la région en 2019, contre 10,7% l’année précédente (source : Eldorado). A titre de comparaison, la moyenne nationale se situe à 16,4% pour 2019. Bien qu’elle soit largement tirée vers le haut par l’Île-de-France, l’écart de plus de 10 points est tout de même significatif.
L’année 2019 est donc marquée par un retrait des investisseurs étrangers, alors que la tendance annuelle et nationale est à l’opposé. Un investisseur américain (Wells Fargo Startup Accelerator) et un investisseur britannique (Index Ventures) ont réalisé des opérations en 2019, tandis que Suisses, Belges et Néerlandais avaient investis dans la région l’année précédente. A nouveau, il est important de rappeler le contexte d’une légère baisse du nombre d’opérations en 2019.
Le détail de l’investissement en Occitanie
Si l’année 2019 a été historique en termes de financement et l'écosystème français a démontré une maturité nouvelle, les signaux sont moins évidents en Occitanie. Le nombre de tours de table a baissé (-18%), tout comme le montant total levé (-17%) et la médiane des opérations (-23%). Seule la moyenne des opérations a augmenté, passant de 2,9m€ à 3,3m€ (+14%). La répartition des tours de table est affectée par la baisse du nombre d’opérations, d’où des changements de répartition assez significatifs entre 2018 et 2019 aux tours de table ultérieurs :
- Tours de pre-seed/seed : leur part dans le total est passée de 40% en 2018 à 50% en 2019.
- Tours de Série A : leur part est passée de 30,91% à 32,5%.
- Tours de Série B : leur part est passée de 29,09% à 12,5%.
- Tours de Série C + : leur part est passée de 0% à 5%.
L’étude de la répartition des tours de table dresse donc un constat en demi-teinte, mais il convient de noter les deux opérations supérieures à 15 millions d’euros réalisées en 2019, alors que la région n’avait compté aucun tour de cette taille en 2018.
Comparaison de la répartition des levées de fonds en Occitanie entre 2018 et 2019 (source : Eldorado)
Les secteurs d’investissement de prédilection révèlent les expertises locales, à savoir la foodtech/gastronomie (59m€), la santé/Medtech (41m€), la biotech (33m€) et la finance/fintech (32m€). Des secteurs fondamentalement liés à la recherche, aux industries locales agroalimentaires ou pharmaceutiques, ou nécessitant une expertise technique et technologique. Des atouts dont la région dispose en nombre.
Répartition des secteurs ayant levé le plus de fonds en Occitanie en 2019 (source : Eldorado)
En termes de levées de fonds d’entrepreneures, l’Occitanie suit la même tendance qu’au niveau national : à savoir, plus de levées de dirigeantes en 2019, mais moins de millions d’euros levés. En 2018, 4 dirigeantes occitanes avaient levé 12 millions d’euros. En 2019, 5 dirigeantes occitanes ont levé 5 millions d’euros. La légère baisse du financement en 2019 a touché entrepreneurs hommes comme femmes, ce qui laisse espérer qu’une reprise d’activité en volume et valeur profitera au deux groupes.
L’année 2019 a été quelque peu mitigée pour l’écosystème occitan, avec une baisse en volume et valeur des tours de table. Des résultats toutefois conjoncturels, car la région a toutes les cartes en main pour faciliter le rayonnement et le financement de ces pépites dans les années à venir. L’année 2020 promet donc quelques défis pour l’entrepreneuriat local et les acteurs régionaux.
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